Donner un sens à la mesure : La diversité de genre et les familles au Canada

Aperçu des changements apportés au recensement qui permettent d’enrichir notre portrait de la diversité

13 décembre 2022

Nathan Battams

La collecte de données précises et actuelles a contribué de façon importante à enrichir nos connaissances sur la diversité des familles. Les familles sont façonnées et se définissent par la diversité et l’identité des membres qui les composent. Au fil des ans, les chercheurs et les statisticiens ont conçu de nouvelles mesures et méthodes qui se veulent à la fois plus précises et plus représentatives des personnes recensées.

Un tel processus a entraîné de nombreux changements dans le recensement de la population du Canada au cours du dernier demi-siècle. Ces dernières années, une meilleure connaissance et acceptation de la diversité sexuelle et de genre a alimenté les appels au changement quant à la façon de mesurer le genre. À la suite de vastes consultations en vue du Recensement de 2021, Statistique Canada a ajouté une nouvelle catégorie de réponse afin de ne plus limiter les options à « masculin » ou « féminin » à la question sur le sexe, en plus de modifier la façon dont la question est posée. Le Canada est ainsi le premier pays à produire des données de recensement sur les personnes transgenres et non binaires1.

Grâce à ce changement, le Recensement de 2021 brosse le portrait des familles le plus détaillé à ce jour. Il s’agit d’une avancée importante pour notre compréhension de la diversité et l’élaboration de mesures de soutien et de services fondés sur des données probantes à l’intention des personnes transgenres et non binaires de l’ensemble du pays.

Les mesures évoluent et font évoluer les connaissances

Au cours des 10 dernières années, l’appareil législatif et les institutions ont accordé de plus en plus de visibilité aux personnes transgenres, non binaires et LGBTQ2+ en général. En 2017, l’expression et l’identité de genre ont été ajoutées à la liste des motifs de discrimination interdits en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Ce changement s’opère parallèlement à des progrès tout aussi importants dans la recherche à caractère social et démographique. Dans le cadre de consultations de Statistique Canada auprès du public et de divers groupes d’intervenants en vue du Recensement de 2021, certaines personnes ont indiqué qu’elles « étaient incapables de se reconnaître dans les deux catégories de réponse “masculin” et “féminin” offertes à la question sur le sexe dans le questionnaire du recensement ». Ce sont les informations concernant la communauté LGBTQ2+ qui ont été « de loin les lacunes les plus souvent déclarées » lors des consultations, et plus de 70 % des personnes ayant fait mention d’une telle lacune ont fait référence au genre dans leurs commentaires2.

Certaines modifications ont donc été apportées au questionnaire du Recensement de 2021. La précision « à la naissance » a ainsi été ajoutée à la question sur le sexe, afin de faire la distinction entre les concepts distincts de sexe et de genre. Une nouvelle question sur le genre a également été ajoutée : « Quel était le sexe à la naissance de cette personne? » et « Quel est le genre de cette personne3? » Trois options de réponse y étaient proposées : « masculin », « féminin » et l’option « ou veuillez préciser », qui permettait aux personnes de définir elles-mêmes leur genre actuel. Le recensement mesure également pour la première fois la diversité de genre des couples, ce qui permet de distinguer les couples de genre différent, les couples de même genre ainsi que les couples comptant au moins une personne transgenre ou non binaire.

Grâce à ces changements, l’ensemble des femmes, des hommes et des personnes non binaires au Canada peuvent être comptabilisés tout en maintenant la continuité historique des données sur le sexe, ce qui permet de combler cette importante lacune en matière de connaissances et d’informations4.

Portrait des personnes transgenres et non binaires au Canada

Quel portrait en ressort-il? Selon le Recensement de 2021, parmi les personnes de 15 ans et plus vivant dans un ménage privé au Canada, 1 sur 300 serait transgenre ou non binaire (0,33 %). Cela représente près de 101 000 personnes, dont 41 % sont non binaires, 31 % sont des femmes transgenres et 28 % sont des hommes transgenres5.

Parmi l’ensemble des couples mariés et en union libre (8,6 millions), près de 128 000 étaient des couples de même sexe cisgenres, des couples transgenres ou des couples non binaires (1,5 % des couples). Environ 1 couple sur 250 était formé d’au moins une personne transgenre ou non binaire. Il y avait près de deux fois plus de couples transgenres (dont au moins un membre est transgenre et aucun membre n’est non binaire) que de couples non binaires (dont au moins un membre est non binaire).

Genre : identité personnelle et sociale d’une personne en tant qu’homme, femme ou personne non binaire

Sexe à la naissance : généralement assigné à la naissance en fonction du système reproducteur de la personne et d’autres caractéristiques physiques

Personne cisgenre : homme ou femme dont le genre correspond au sexe qui lui a été assigné à la naissance

Personne transgenre : homme ou femme dont le genre ne correspond pas au sexe qui lui a été assigné à la naissance

Personne non binaire : personne dont le genre n’est pas exclusivement masculin ou féminin (p. ex. agenre, fluide, queer ou bispirituelle6)

Les nouvelles données du Recensement viennent compléter les conclusions de l’enquête de Trans PULSE Canada

Il s’agit d’une avancée majeure, car le recensement constitue bien plus qu’un simple sondage; les ressources et l’infrastructure dont dispose Statistique Canada permettent de recueillir des données fiables au sujet de petits groupes de population, comme les personnes transgenres et non binaires. L’analyse des couples en fonction de leur diversité de genre procure également un aperçu unique de leur réalité familiale.

Le rapport réalisé dans le cadre du projet Trans PULSE Canada – à l’issue d’une enquête menée en 2019 auprès de 2 873 personnes trans et non binaires de 14 ans et plus à travers le Canada – donne un aperçu de la réalité, des dynamiques et des relations familiales de ces groupes7. Bien que les auteurs du rapport soulignent qu’il n’a pas été possible de réaliser un échantillon aléatoire de la population transgenre et non binaire (ce qui signifie que l’on « ne peut pas conjecturer que les résultats soient représentatifs de la composition démographique de cette population »), il fournit néanmoins des renseignements uniques et précieux sur la réalité des personnes transgenres et non binaires, notamment sur leurs liens familiaux. Une telle perspective familiale s’avère importante pour prendre la mesure de leur bien-être, alors que des recherches antérieures ont démontré que le soutien familial assure une certaine protection contre les effets de la victimisation sur la santé mentale des jeunes trans8.

L’enquête mettait notamment l’accent sur les mesures et les comportements particuliers adoptés par les parents ou les tuteurs en soutien aux jeunes trans ou non binaires. Si la majorité des personnes transgenres ou non binaires interrogées (58 %) avançaient que leurs parents ou tuteurs disaient les respecter et les soutenir, seule la moitié d’entre elles disaient se faire appeler par le prénom leur correspondant. Le tiers soutenaient que leurs parents ou tuteurs les avaient défendus face à leur famille, à leurs amis ou à d’autres personnes. Environ 1 personne sur 5 disait avoir reçu de l’aide pour changer officiellement de prénom et/ou de genre, et 1 autre sur 5 s’était vu prêter de l’argent pour la prise en charge de ses soins médicaux liés à l’affirmation du genre9.

Malheureusement, de nombreuses personnes transgenres affirmaient ne pas être soutenues, voire pire encore. Le quart des jeunes interrogés disaient que certains membres de leur famille avaient cessé de leur adresser la parole ou avaient mis fin à leur relation avec eux en raison de leur identité trans ou non binaire. Environ 1 jeune sur 5 soutenait que certains membres de sa famille lui interdisaient de porter des vêtements reflétant son genre; et 1 jeune sur 10 disait que sa famille avait eu recours aux services d’un thérapeute, d’un conseiller ou d’un responsable religieux dans l’optique de le ou de la dissuader d’être trans ou non binaire.

Mieux cibler la diversité des genres

Bien que certains ajustements et perfectionnements seront sans doute apportés au fil des ans à la mesure du genre réalisée par le recensement, celui de 2021 a atteint une étape charnière en ce qui a trait au suivi de la diversité au Canada. Ce puissant outil génère des données fiables qui pourront être utiles aux plus petits groupes de population souvent marginalisés, comme les personnes transgenres et non binaires, dont le recensement brosse désormais un portrait.

L’enquête de Trans PULSE Canada permet d’examiner de plus près la réalité propre aux personnes transgenres et non binaires. Comme en témoigne le rapport, si bon nombre d’entre elles bénéficient d’un certain soutien familial et social, plusieurs ne disposent d’aucun appui solide concret, comme le fait de se porter à leur défense devant d’autres personnes ou de leur apporter un soutien financier pour des soins médicaux liés à l’affirmation du genre.

Au cours des années à venir, de telles données s’avèreront de plus en plus importantes pour le travail des décideurs, des employeurs et des professionnels des secteurs de la santé, de l’éducation et de la justice de l’ensemble du Canada. Elles les aideront à mieux soutenir le bien-être des personnes transgenres et non binaires et de leur famille.


Notes

  1. STATISTIQUE CANADA. « Le Canada est le premier pays à produire des données sur les personnes transgenres et les personnes non binaires à l’aide du recensement » dans Le Quotidien, 2022. Lien : https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/220427/dq220427b-fra.htm
  2. STATISTIQUE CANADA. Résultats de la consultation du Recensement de la population de 2021 : Ce que nous ont dit les Canadiens, 2019. Lien : https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2021/consultation/92-137-x/92-137-x2019001-fra.cfm
  3. STATISTIQUE CANADA. Recensement de 2021 : 2A, 2020. Lien : https://www.statcan.gc.ca/fr/programmes-statistiques/instrument/3901_Q1_V7
  4. STATISTIQUE CANADA. Combler les lacunes : renseignements sur le genre dans le cadre du Recensement de 2021, 2022. Lien : https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2021/ref/98-20-0001/982000012021001-fra.cfm
  5. STATISTIQUE CANADA. Comprendre qui nous sommes : le sexe à la naissance et le genre des personnes au Canada, 2022. Lien : https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-627-m/11-627-m2022049-fra.htm
  6. STATISTIQUE CANADA. Classification de cisgenre, transgenre et non-binaire, 2021. Lien : https://www23.statcan.gc.ca/imdb/p3VD_f.pl?Function=getVD&TVD=1326715
  7. TRANS PULSE CANADA. Santé et bien-être chez les jeunes trans et non binaires : Disparités en matière de prise en charge médicale/santé et importance du soutien social, 2021. Lien : https://transpulsecanada.ca/fr/results/rapport-sante-et-bien-etre-chez-les-jeunes-trans-et-non-binaires/
  8. BAUER, G. R. et autres « Intervenable factors associated with suicide risk in transgender persons: A respondent driven sampling study in Ontario, Canada » dans BMC Public Health, vol. 15, no 525, 2015. Lien : https://doi.org/10.1186/s12889-015-1867-2.
  9. TRANS PULSE CANADA. Santé et bien-être chez les jeunes trans et non binaires : Disparités en matière de prise en charge médicale/santé et importance du soutien social, 2021.
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