Le bien-être des familles pendant la pandémie de COVID-19 : Présentations et transcription de la conférence

22 mai 2020

Le vendredi 15 mai 2020, l’Institut Vanier de la famille et le Réseau COVID-19 sur les impacts sociaux ont organisé une conférence en ligne sur l’impact de la pandémie de COVID-19 sur le bien-être des familles au Canada, et ce, le même jour où était célébrée la Journée internationale des familles.

La transcription en français de cet événement est présentée ci-dessous. L’enregistrement vidéo complet (une annonce sera faite sur les comptes de médias sociaux associés au site Web de l’Institut Vanier) sera bientôt disponible.

 

CONFÉRENCIERS ET MODÉRATEURS

  • Ahmed Hussen, ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social
  • Jane Badets, retraitée – statisticienne en chef adjointe, Statistique Canada
  • Carl Cadogan, président-directeur général, Reception House Waterloo Region
  • Heidi Cramm, Ph. D., ergothérapeute agréée (Ontario), professeure agrégée, Université Queen’s
  • Joel Denis, directeur exécutif, Agence de la santé publique du Canada
  • Ana Fostik, Ph. D., démographe de la famille, L’Institut Vanier de la famille
  • Don Giesbrecht, directeur général, Fédération canadienne des services de garde à l’enfance
  • Jack Jedwab, Ph. D., président et directeur général, Association d’études canadiennes
  • Jennifer Kaddatz, conseillère principale, L’Institut Vanier de la famille
  • Tasha Kheiriddin, commentatrice pour les médias
  • Laetitia Martin, analyste, L’Institut Vanier de la famille
  • Joanne Schnurr, journaliste et spécialiste des communications
  • Nora Spinks, directrice générale, L’Institut Vanier de la famille
  • Lisa Wolff, directrice des politiques et de l’éducation, UNICEF Canada
  • Donna Dasko, sénatrice
  • Andrew Sofin, M.A., RMFT, T.C.F., R.P., président, L’Association canadienne pour la thérapie conjugale et familiale

TRANSCRIPTION (priorité au texte prononcé)

Tasha Kheiriddin : Bonjour tout le monde. Nous voudrions commencer en soulignant que la terre sur laquelle nous sommes rassemblés est le territoire non cédé marqué par le passé identitaire du peuple algonquien. Nous souhaitons également reconnaître les terres à partir desquelles chacun d’entre vous suit cet événement, peu importe où se trouve votre demeure sur l’île de la Tortue. La reconnaissance de ces territoires n’est que le début de l’établissement de relations significatives et réciproques avec les peuples et les communautés – les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Nous désirons également rendre hommage aux Anciens autochtones d’hier et d’aujourd’hui. Meegwetch.

Bonjour tout le monde. Bienvenue à cette conférence en ligne qui porte sur l’impact de la pandémie de COVID‑19 sur le bien-être des familles au Canada. En ce jour mémorable où l’on célèbre la Journée internationale des familles des Nations Unies, cette conférence est organisée par certains instituts qui ont cette question à cœur, notamment l’Institut Vanier, en partenariat avec l’Association d’études canadiennes et le Réseau COVID‑19 sur les impacts sociaux.

Pour ceux qui ne me connaissent pas, je m’appelle Tasha Kheiriddin et je suis analyste en matière de politiques publiques et commentatrice pour les médias. Mais avant tout, aujourd’hui, je suis mère d’un enfant et belle-mère de deux autres. C’est pourquoi je suis très intéressée d’entendre les points de vue qui seront exprimés sur l’incidence de cette pandémie sur les familles partout au pays. Cette conférence en ligne fait partie d’une série de conférences qui aborderont les impacts sociaux de la COVID‑19. Elles sont généreusement financées par le Conseil de recherches en sciences humaines, que nous remercions vivement.

Notre première intervenante n’est nulle autre que la directrice générale de l’Institut Vanier, Nora Spinks. Elle travaille avec des personnes et des organismes qui s’emploient à étudier, à servir et à soutenir les familles en vue de mobiliser le savoir et d’approfondir, dans une perspective nationale, notre compréhension des familles au Canada. C’est une conférencière et auteure réputée qui cherche toujours à favoriser la création de politiques et de programmes innovateurs axés sur la santé et le bien-être, les soins, la flexibilité vie-travail… Nora a également été conseillère et consultante auprès de dirigeants du monde des affaires, du droit, du travail, du gouvernement et de la communauté. Veuillez accueillir Nora Spinks.

Nora Spinks : Merci beaucoup. Je suis ravie d’être ici. Permettez-moi d’abord de remercier Tasha pour la magnifique présentation qu’elle nous a offerte aujourd’hui. Je tiens avant tout à souligner le travail de Jack Jedwab et de toutes les personnes qui œuvrent pour le Réseau des impacts sociaux et l’Association d’études canadiennes, ainsi que les équipes de l’Institut Vanier, qui ont assemblé toutes ces données et ces analyses, et qui ont organisé cet événement pour vous aujourd’hui.

Le Réseau des impacts sociaux compte plus de 50 organismes parmi ses membres actifs. Et nous faisons tout ce qui est possible pour recueillir ces données en temps réel et les partager avec vous dans les meilleurs délais, afin de permettre aux gens de prendre des décisions fondées sur des données probantes et d’utiliser ces dernières en vue de stimuler l’innovation et la créativité. Nous comptons partager avec vous aujourd’hui un certain nombre de données et d’analyses provenant de différentes études, notamment d’un sondage hebdomadaire que nous avons réalisé avec plusieurs familles de partout au pays.

Nous leur avons posé des questions sur leur état de santé, leurs occupations, comment elles se portent ainsi que sur leurs peurs, leurs aspirations, leurs visions et leurs espoirs pour l’avenir. Nous partagerons également avec vous certaines données de Statistique Canada et des nombreuses enquêtes que l’organisme mène actuellement ou qu’il a menées récemment, ainsi que des enquêtes de production participative (crowdsourcing) et d’autres panels qui sont en cours, de même que des données recueillies par un certain nombre d’autres organismes comme l’UNICEF et d’autres partenaires. Nous partagerons tous ces renseignements avec vous aujourd’hui.

Nous nous intéressons aux familles selon plusieurs angles, et l’aspect financier est évidemment le premier angle auquel les gens pensent, plus particulièrement ceux qui ont perdu leur emploi ou qui reçoivent un revenu inférieur à celui auquel ils sont habitués. Mais nous nous penchons également sur les familles et leur endettement; plusieurs contractent de nouvelles dettes lorsqu’ils ont subi une perte d’emploi ou de revenus. Mais nous nous attardons également aux familles à revenu moyen qui ont conservé leurs revenus, mais qui ont réduit leurs dépenses et qui commencent à rembourser les dettes de leur ménage. Nous observons donc un écart à ce niveau.

Nous nous intéressons aussi aux enfants et à l’enfance, à comment ils se portent et à ce que cette situation signifiera pour eux à court et à long termes. Nous avons observé leur implication dans la communauté et la façon dont ils interagissent avec leur famille, ainsi que comment ils se débrouillent sans leurs habituels contacts étroits avec leurs amis. Nous avons observé les jeunes adultes et la manière dont ils s’appliquent à la fois dans leurs études et leur emploi, mais aussi leur façon de nouer des relations et d’entretenir leurs amitiés existantes. Nous nous sommes intéressés à la façon dont les adultes entretiennent leurs amitiés ou s’engagent dans des relations sérieuses; comment ils vivent leur parentalité ou coparentalité ou encore leur monoparentalité, autant ceux qui vivent avec l’autre coparent que ceux qui vivent au sein de ménages séparés à la suite d’une séparation ou d’un divorce. Nous observons les familles et leur mode de communication, si leurs conversations sont plus enrichissantes – la plupart d’entre elles le sont, ce qui est une bonne nouvelle.

Nous suivons également les pères – les hommes qui, en particulier, disent avoir des conversations plus enrichissantes avec leur partenaire, et qui participent plus activement à la parentalité. Nous nous intéressons aux mères et à leur façon de gérer la situation et de se débrouiller avec les pressions auxquelles elles sont confrontées, qui comprennent la gestion du ménage, la scolarisation des enfants et leurs efforts pour préserver leur revenu et leur lien avec leur employeur. Nous examinons également les situations particulières, c’est-à-dire les familles ayant des perspectives uniques. Nous nous inspirons grandement des familles des militaires qui ont des conseils et des stratégies à partager, car elles sont souvent séparées et confrontées à des situations imprévisibles, et elles possèdent un historique illustrant comment elles se sont débrouillées au fil des décennies. Nous partageons donc ces renseignements avec d’autres familles dans l’ensemble du pays.

Nous nous penchons sur la séparation et le divorce, notamment parce que le Canada aura une toute nouvelle loi sur le divorce qui entrera en vigueur le 1er juillet, et que les tribunaux sont fermés. Alors nous tentons de déterminer quelles seront les conséquences de cette situation sur les familles. En ce qui concerne l’apprentissage, la garde et l’éducation des jeunes enfants, nous avons reconnu à l’échelle nationale et internationale l’importance cruciale des programmes d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, et leur importance fondamentale pour notre infrastructure sociale.

Nous nous soucions de l’éducation et de l’impact de la scolarisation à domicile, ainsi que de la signification qu’aura ce contexte pour les familles du pays et du monde entier. Comment les milieux de travail évoluent, comment s’adaptent-ils au nouveau travail à domicile, quels sont les aspects qui perdureront et ceux qui reviendront à ce qu’ils étaient avant la pandémie, à quoi ressembleront les milieux de travail postpandémie? Par exemple, vous avez appris que Twitter est désormais contrôlé entièrement à distance, et ce, de façon permanente. Nous suivons tout cela de près.

Nous examinons de quelle façon le système de santé est touché, en nous intéressant particulièrement à la manière dont le traumatisme que vivent les travailleurs de la santé actuellement se manifestera dans l’avenir et de quelle façon nous parviendrons à les soutenir. Nous suivons aussi les travailleurs saisonniers et les travailleurs agricoles, ceux qui arrivent ici en tant que travailleurs étrangers temporaires, ce que la pandémie signifie pour eux et leur famille, et comment se déroule la vie à la ferme, ainsi que la vie dans les régions rurales et reculées du Canada pendant la pandémie.

Nous nous intéressons aussi à la vie dans les centres-villes et les tours d’habitation, où il peut être impossible d’entrer en contact avec ses voisins de la même manière qu’en banlieue ou dans les communautés urbaines, où certaines personnes sont entassées avec plusieurs générations dans un endroit restreint. Nous souhaitons comprendre le risque que les gens éprouvent ou vivent en matière de violence, de maltraitance ou de négligence. C’est difficile de recueillir des données à ce sujet, mais nous faisons de notre mieux en ayant recours à plusieurs sources afin de mieux maîtriser la situation.

Nous cherchons à comprendre comment la pandémie affecte les peuples autochtones au pays et quelles mesures de soutien et ressources sont les plus utiles pour eux. Nous nous intéressons aux aînés et à ceux qui vivent seuls, ces derniers subissant beaucoup de stress, même si la plupart des médias s’en tiennent aux aînés vivant dans les établissements de soins de longue durée. Mais les aînés qui vivent avec des membres de leur famille constituent également un groupe qu’il nous faut comprendre, en plus des personnes vivant dans les CHSLD. Dans quelle mesure la technologie utilisée est utile, aidante ou nuisible? Pour ce qui est de ceux en particulier qui n’ont pas accès à la technologie ou dont l’accès Internet n’est pas adéquat, nous cherchons à savoir comment entrer en communication avec eux ou comment ils peuvent accéder aux services et aux mesures de soutien qui sont à leur disposition au sein de la communauté.

Nous nous penchons également sur les personnes ayant des incapacités et, d’une certaine façon, nous apprenons d’elles, car elles sont souvent exclues de la communauté et disposent d’un accès restreint à celle-ci. Elles nous renseignent également sur leur façon de se débrouiller durant la pandémie. Les jeunes aidants et les personnes qui s’occupent des aînés présentent un intérêt particulier, tant pour leurs proches qui vivent à distance que pour ceux qui vivent à proximité. Nous voulons notamment nous assurer que les services et les mesures de soutien ne créent pas un genre de filet de sécurité traditionnel tout troué et que plusieurs personnes finissent par passer à travers les mailles.

Mais nous espérons en fait que nous serons en mesure de soutenir la manière dont les services et les mesures de soutien seront repensés, réoutillés, remodelés ou recréés en entier, afin qu’ils n’aient plus la fonction de filet de sécurité, mais davantage celle de trampoline. Nous savons que les familles constituent l’institution la plus adaptable de notre société. Je souhaite seulement vous laisser sur cette pensée avant d’entreprendre le programme de ce matin, à savoir que l’espèce qui survit n’est pas celle qui est la plus forte, mais celle qui sait le mieux s’adapter au changement. Alors voilà, nous passerons du temps ensemble ce matin à essayer de déterminer dans quelle mesure les familles s’adaptent et ce que cela signifie pour elles à court et à long termes. C’est un plaisir d’être ici avec vous aujourd’hui et je vous souhaite une bonne conférence. Merci beaucoup. À vous, Tasha.

Tasha Kheiriddin : Merci beaucoup, Nora. Nous nous efforçons tous de nous adapter, certains plus que d’autres. J’espère que vous parvenez à vous adapter, où que vous soyez. Je crois que nous recevrons aujourd’hui divers renseignements qui pourront nous aider à cet égard : quand on apprend comment d’autres familles se débrouillent, il est possible qu’on se sente moins seuls dans notre façon d’être. Sans plus attendre, permettez-moi de vous présenter celle qui sera modératrice et animatrice du prochain panel, Joanne Schnurr.

Notre premier segment, soit dit en passant, portera sur les liens familiaux. Je sais que Nora avait en tête ce dont les gens parlent ou ne parlent pas à la maison. Joanne a passé sa carrière à discuter d’un éventail de sujets et elle maîtrise très bien celui-ci. Elle a récemment quitté CTV Ottawa après 30 ans d’une carrière fructueuse. Elle est auteure et spécialiste en communications. Elle est née et a fait ses études à Regina. Elle a commencé sa carrière comme reporter à la radio avant de passer à la station CTV Regina, où elle a travaillé comme journaliste législative. Entre 1989 et 2020, elle a abordé tous les aspects de l’actualité pour CTV Ottawa et a gagné de nombreux prix. Veuillez accueillir Joanne Schnurr.

Joanne Schnurr : Merci beaucoup. Je suis très impatiente d’entendre ce premier panel. Je crois qu’on diffusera d’abord une présentation, alors nous séparerons les 60 prochaines minutes en trois sections. Nous tenterons de respecter minutieusement cet horaire. Nous entendrons d’abord Laetitia Martin, qui est analyste à l’Institut Vanier de la famille. Alors, Laetitia, allez-y.

Laetitia Martin : Bonjour tout le monde. Je suis bien contente d’être ici aujourd’hui pour vous parler des liens familiaux. Mais d’abord, qu’est-ce que le lien familial? Qu’entendons-nous par là? Nous avons reçu cette question hier de l’un de nos panélistes. Pour l’exprimer en mots simples, le lien familial est ce qui rapproche, ce qui unit les gens. Et c’est ce dont nous allons maintenant parler. Ces liens sont en constante évolution. Sur le plan sociologique, nous avons été témoins de nombreux changements par rapport à ce que nous appelions la famille traditionnelle, un terme qui ressemble de plus en plus à un mythe plutôt qu’à la réalité, et ces familles ont connu différentes expériences au cours de la pandémie.

Aujourd’hui, j’aimerais vous brosser un aperçu de la réalité à laquelle ces familles sont confrontées en termes de liens pendant la pandémie. Un récent sondage a démontré que la grande majorité des gens entretiennent des liens sociaux solides, que ce soit avec les membres de leur famille, leurs amis ou leurs voisins, ces deux derniers étant parfois qualifiés de famille choisie. Nous avons pris conscience que la pandémie n’avait pas que des aspects négatifs.

Elle a aussi des aspects positifs. Pour certaines familles, la pandémie signifie qu’ils ont plus de temps pour se détendre. Même les familles ayant de jeunes enfants disent se détendre davantage. C’est une information que je ne comprends pas personnellement, mais c’est le cas. Que font ces familles pour se détendre? Certaines lisent et jouent à des jeux, qu’il s’agisse de jeux électroniques ou non électroniques, alors que les familles avec jeunes enfants se consacrent invariablement aux arts, à l’artisanat et à la musique.

Maintenant, si ce temps passé ensemble peut s’avérer rafraîchissant pour certains, la pandémie apporte également une certaine anxiété. Cette anxiété s’exprime souvent par une inquiétude à propos de la sécurité des proches. C’est le cas notamment des proches âgés qui vivent dans des CHSLD. Les femmes sont celles qui semblent porter la plus grande partie du fardeau lié à l’anxiété en s’inquiétant pour leurs proches aînés.

Il ne s’agit pas de la seule différence entre les sexes que nous avons observée dans les données de nos sondages. Les femmes semblent plus sensibles aux difficultés liées à la santé, comme l’anxiété, la nervosité, la tristesse, l’irritabilité et la difficulté à dormir. Elles ont également tendance à se sentir plus satisfaites des mesures adoptées par le gouvernement et plus enclines à respecter les consignes de sécurité. Les hommes ont tendance à se sentir plus proches de leur partenaire que ce n’était le cas avant la pandémie et sont plus disposés à ce que leurs enfants retournent à l’école. C’est peut-être parce qu’ils sont les principaux responsables de l’enseignement à domicile. Ou peut-être pas.

Un dernier élément que j’aimerais aborder ici est ce qui se passe à la maison. Parvenir à « rester en sécurité à la maison » exige une certaine adaptation. Nora en a parlé un peu dans son discours d’ouverture, mais le partage de la technologie est une préoccupation importante des familles. Cette réalité est encore plus complexe pour les familles plus vulnérables, car elles ne disposent pas toujours d’une connexion Internet assez puissante ou de l’équipement nécessaire pour répondre aux besoins de tous les membres du ménage. J’espère que ces aspects vont susciter des idées. Voilà ce que je souhaitais exprimer sur les liens familiaux.

Joanne Schnurr : Merci, Laeticia. C’était vraiment intéressant, en plus de nous fournir une large base pour lancer cette discussion. Je voulais poser la première question à l’un de nos panélistes, Andrew Sofin, qui est président de l’Association canadienne pour la thérapie conjugale et familiale. Andrew, Laetitia a évoqué l’idée que la pandémie n’a pas que des aspects négatifs. On parle beaucoup de la grande anxiété que les gens éprouvent et de l’augmentation de la maltraitance ainsi que de la consommation de substances. Mais il y a aussi des aspects positifs à cette situation. Je voudrais que vous nous parliez de cela un peu. Les familles pourraient-elles retirer du positif de cette situation?

Andrew Sofin : Certainement. Tout est une question de sécurité financière. Les familles qui bénéficient d’une sécurité financière et dont aucun membre n’est exposé directement à la COVID‑19 ou ne travaille en première ligne sont en mesure de passer beaucoup plus de temps ensemble. Les enfants de ces familles ne passent pas tout leur temps avec leurs amis, ils le passent avec leurs parents. Les jeunes enfants jouent davantage à la maison. Nous observons une augmentation des contacts entre les adolescents et leurs parents. Auparavant, les adolescents avaient l’habitude de passer leur temps avec leurs amis plutôt qu’avec leurs parents. Présentement, ils cuisinent et se divertissent ensemble. Pour une partie des familles canadiennes, je crois que la pandémie peut avoir des conséquences très positives. Mais ce sont généralement les histoires négatives ou les situations de crise qui sont retenues pour être couvertes dans les médias. La perception véhiculée est que tout ne sera que négatif. Je crois que cela a un effet sur les familles dans l’ensemble du pays qui suivent régulièrement les reportages sur les aspects négatifs. Les articles qui abordent les aspects positifs ne sont pas très nombreux.

Joanne Schnurr : Nous parlons des aspects positifs qui ont une incidence sur les familles. Laetitia a d’ailleurs évoqué les initiatives gouvernementales qui ont contribué à soutenir les familles, et elle a mentionné que les femmes y sont souvent plus réceptives. Leur anxiété peut diminuer lorsqu’elles commencent à bénéficier d’une certaine sécurité financière. J’aimerais demander à Heidi Cramm, professeure agrégée à l’Université Queen’s, quelle est l’importance de ces mesures de soutien financier dans le soutien aux familles.

Heidi Cramm : Bonjour. Merci beaucoup pour la question et pour cette occasion de participer à cet événement. La sécurité financière est assurément un aspect qui permet de distinguer comment une famille se porte. Elle soutient l’un des fondements de la résilience. Lorsque nous examinons les familles et leur capacité à s’adapter et à faire preuve de résilience, celle-ci doit être perçue comme un phénomène transactionnel. Elle ne s’appuie pas seulement sur notre nature, ce n’est pas une capacité innée, elle dépend en fait grandement des transactions que l’on fait avec les ressources qui sont à notre disposition. Évidemment, plus notre sécurité financière est grande, plus nous avons confiance en notre capacité à accéder à certaines de ces ressources.

Avoir l’occasion d’apprendre des familles des militaires, comme Nora l’a mentionné dans son introduction, nous permet de comprendre certains des autres aspects. Lorsqu’une famille parvient à se donner un sens ou une identité commune, que ses membres l’incarnent pleinement ensemble, qu’ils travaillent à surmonter les périodes difficiles, qu’ils créent des structures et des modèles de communication ouverte et qu’ils sont capables de définir leur processus de vie commune, tout cela favorise la constance au milieu du chaos que la pandémie et les mesures associées à la pandémie ont en quelque sorte infligé au rythme de la famille. Le fait d’être constants, sans être rigides, dans nos efforts visant à créer une impression de normalité, nous aide à surmonter les facteurs de stress qui persistent et auxquels nous nous habituons. Les personnes qui bénéficient de plus de ressources financières disposent de plus d’options quant aux actions qu’elles peuvent entreprendre.

Joanne Schnurr : Jane Badets, vous êtes une femme de statistiques. Jane est l’ancienne statisticienne en chef adjointe de Statistique Canada. Je voulais vous interroger sur la composition des familles dans ce contexte. Laetitia a abordé les nombreux facteurs de cette pandémie qui affectent les familles en fonction de leur composition. Pouvez-vous nous en dire plus? Quelle est votre expérience à ce sujet et qu’avez-vous observé?

Jane Badets : De nombreuses données sont disponibles sur le sujet et elles sont vraiment nécessaires, car cette situation est inédite et sans précédent. Pendant toutes les années où j’ai travaillé à recueillir des données sur les familles, jamais on n’avait mis un tel accent sur les familles, sur l’importance de la famille en termes de liens qu’elles constituent, ni sur le respect des pratiques de santé publique. Mais selon les différents types de familles, les choses se passent différemment. Je crois que ce dont nous avons besoin, c’est d’avoir une vue d’ensemble. C’est bien que les gens aient des conversations enrichissantes à la maison pendant cette période, mais où sont les stresseurs : les liens qui unissent peuvent aussi être les liens qui s’effritent. Je crois qu’il nous faut tenir compte des différents types de familles, qui sont nombreux et très diversifiés.

Je m’inquiète particulièrement pour les familles qui ont des enfants d’âge scolaire, dont le ménage compte un ou deux parents. Présentement, il est possible de faire plusieurs choses favorables ensemble. C’est un contexte très positif pour ce qui est de bâtir les fondements de la famille. Cependant, pour les parents, il y a évidemment un niveau de stress. D’abord, il faut se rappeler que s’ils ont la chance d’avoir un emploi, on leur a assurément demandé de travailler à domicile.

Ensuite, on leur demande de faire l’école à la maison, puis de s’assurer de respecter les directives de santé publique. Mais ils n’ont pas accès aux mesures de soutien dont ils disposent habituellement : le service de garde, les écoles… Mais surtout, ils ne bénéficient d’aucune aide extérieure au ménage : le lien avec les grands-parents et le reste de la communauté. Alors nous pensons à ces familles, et particulièrement à la présence des enfants. Ensuite, nous pensons aux parents seuls : comment se débrouillent-ils? Lorsqu’ils vont faire l’épicerie, ils doivent apporter leurs enfants avec eux. Il nous faut vraiment examiner et approfondir toute cette situation afin de savoir comment les différents types de familles s’en sortent.

Joanne Schnurr : Pouvons-nous parler de la façon de consolider ces liens familiaux? Pouvez-vous parler un peu de ce qui doit être fait pour aider les familles à approfondir leurs liens?

Jane Badets : Certainement, il nous faut considérer le soutien en fonction de ce que l’on a perdu et de la transition qui s’impose. Comment peut-on aider la famille qui reste à la maison, et qui travaille à la maison, à retourner sur son lieu de travail? Les services de garde en constituent un aspect fondamental. Comment les programmes peuvent-ils offrir des services de garde sécuritaires aux parents qui travaillent? Je ne peux pas imaginer de quelle façon ce sera fait. Mais il y a aussi l’école. Je sais que plusieurs critiquent ce qui se passe au Québec. Il s’agit d’une expérience importante. Peut-être avez-vous une idée de la raison pour laquelle ils ont agi comme ils l’ont fait. Je ne dis pas qu’on se dirige tous vers là. Mais je crois qu’il doit y avoir davantage de soutien et de réflexion sur la façon de soutenir les familles qui ont des enfants et qui doivent travailler, qui doivent reprendre le boulot, et qu’on doit s’assurer que le milieu soit sain.

Joanne Schnurr : Andrew, j’aimerais vous inviter aussi à participer à cette discussion. Qu’est-ce que vous vivez? Qu’est-ce que les familles vous disent à propos des difficultés qu’elles ont connu pendant ces deux derniers mois?

Andrew Sofin : Je crois que l’élément le plus important est l’incertitude. Lorsque cette situation est apparue, l’une des questions que les thérapeutes conjugaux et familiaux de partout au pays ont posées a été : comment faire la transition? Comment les familles peuvent-elles passer de leur fonctionnement acquis à cette « nouvelle normalité »? Pour la plupart des familles, les parents ne passent probablement pas toute la journée ensemble. Ils se voient au déjeuner, au souper et peut-être une heure ou deux après le souper. Présentement, ils sont ensemble à la maison 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et en compagnie des enfants. Qui s’occupe des tâches scolaires? Qui fait la lessive? Les rôles doivent être renégociés. Plus que jamais dans toute ma carrière, nous devons considérer cette situation de manière systémique, car c’est le système en entier qui a évolué. Chaque pièce de l’ensemble a changé.

Nous voyons des familles qui doivent se débrouiller du mieux qu’ils peuvent – maintenant, l’adolescent est responsable des repas parce que maman et papa ont tous les deux des réunions de travail. Les familles dont un membre travaille en première ligne ou est exposé à un risque élevé sont celles qui éprouvent le plus de difficulté à l’heure actuelle. Nous constatons qu’elles font appel aux thérapeutes conjugaux et familiaux pour les aider parce qu’elles sont surchargées et terrifiées qu’un autre membre de leur famille tombe malade. Les liens de ces familles s’en trouvent effrités. En plus, tout se fait par vidéo maintenant, alors nous passons de la thérapie traditionnelle, où les familles venaient dans mon bureau, à une époque où elles participent à une rencontre sur plateforme vidéo. C’est très difficile, plus particulièrement pour les personnes vivant dans des régions rurales où la technologie vidéo et l’Internet ne sont pas très développés. Alors on observe un réel écart entre la campagne et la ville en matière de technologie, en plus d’un écart socioéconomique.

Joanne Schnurr : Quel est impact de ces visioconférences en ligne? Il est clair que les gens ont besoin de contacts individuels directs. Mais ont-ils besoin d’être encadrés par les limites d’un bureau fermé et sécuritaire? Est-ce que cela change la dynamique de ces conversations?

Andrew Sofin : Énormément. Cette importante transition entre la rencontre traditionnelle, où l’on prend place dans le bureau d’un thérapeute, à ce contexte où tout se déroule soudain depuis une plateforme vidéo est sans précédent. Il ne faut pas oublier que de nombreux cliniciens se demandent aussi comment faire tout cela alors qu’ils tentent aussi de s’occuper de leurs enfants et de tout ce qui ce qui se passe dans leur foyer. L’une des choses qui manquent est le non-verbal, l’un des indices que l’on tient parfois pour acquis. Particulièrement dans le contexte de la thérapie, je crois qu’il est impossible d’aller autant en profondeur avec certaines familles et certains couples, et que les gens sont plus réticents à plonger lorsqu’ils consultent depuis une plateforme virtuelle, comparativement à la sécurité d’un bureau.

Il sera intéressant de voir comment tout cela évoluera au sortir de cette pandémie. Est-ce que les gens continueront d’utiliser les plateformes virtuelles pour la thérapie ou se précipiteront-ils directement au bureau. Plusieurs personnes reportent leur thérapie, car ils ne veulent pas la faire par voie virtuelle.

Joanne Schnurr : Heidi, que pensez-vous à ce sujet? Pouvez-vous nous parler des mesures de soutien qui sont mises en place pour les familles, et peut-être nous dire dans quels domaines on retrouve des lacunes à cet égard?

Heidi Cramm : Présentement, l’une des choses que nous observons est qu’il n’y a jamais eu une plus grande prise de conscience sociale à propos de la façon dont les familles soutiennent les personnes qui sont responsables de la sécurité de nos villes et de nos villages au Canada. Cela inclut les familles des militaires, celles de nos premiers répondants, du personnel de la sécurité publique, de nos pompiers, de nos policiers et de nos ambulanciers. Le risque d’exposition de ces familles et le risque associé à leur bien-être psychologique en raison des inquiétudes envers ceux qui sont en contact direct avec ce risque au sein de la communauté, tout cela met en évidence et amplifie les facteurs de stress liés au mode de vie qui existent déjà et auxquels ces familles tentent de s’adapter de façon constante.

L’une des choses que nous ne saisissons pas bien est le déroulement des quarts de travail et de sommeil. Par exemple, pensons à un pompier qui travaille pendant 24 heures et qui doit dormir en rentrant à la maison. Si le reste de la famille est également coincé à la maison, comment est-il possible de s’adapter? C’est d’ailleurs ce sur quoi je travaille en ce moment même. Je suis très consciente de ces vulnérabilités dans la vie de certaines familles. Nous devons mieux comprendre ces facteurs liés au mode de vie, afin de pouvoir offrir un soutien plus adapté aux familles dont les conditions perdureront au-delà de cette période.

Joanne Schnurr : C’est évident que nous avons encore beaucoup à étudier et à apprendre sur le sujet. Nous allons maintenant conclure ce premier panel. Il y a des questions qui sont posées hors écran et nous espérons que nos panélistes seront en mesure d’y répondre pour vous. Mais j’aimerais maintenant revenir à Tasha, qui présentera notre prochaine vidéo et le panel suivant.

Tasha Kheiriddin : Merci beaucoup Joanne. Et bien sûr, je tiens à remercier sincèrement Jane Badets, Andrew Sofin et Heidi Cramm, ainsi que Laetitia Martin, pour ce premier panel. Les liens sont importants et le bien-être est crucial. Voilà qui sera le sujet de notre prochain panel : comment se portent les familles canadiennes? Entre la santé et les finances, comment vont-elles pendant cette période sans précédent et, d’une certaine manière, très exigeante? Joanne vous présentera une vidéo ainsi que nos panélistes et vous guidera tout au long de cette conversation.

Joanne Schnurr : Merci beaucoup, Tasha. Cette prochaine vidéo porte sur le bien-être de la famille. Jennifer Kaddatz est conseillère principale à l’Institut Vanier de la famille et elle nous expliquera sommairement ce qui se passe en matière de bien-être des familles.

Jennifer Kaddatz : Nous aborderons la question dans une perspective qui tient compte de la population en général. J’aurais adoré vous fournir une foule de statistiques sur la diversité aujourd’hui, mais en raison de nos contraintes de temps, nous espérons que vous vous joindrez à nous pour une autre conférence afin que nous puissions nous attarder davantage aux caractéristiques des différents groupes de la population à l’échelle du pays : les jeunes et les enfants ainsi que les personnes âgées.

Je commencerai en disant que le bien-être de chaque membre de la famille a une incidence sur le bien-être de la famille dans son ensemble. C’est important, mais il est aussi essentiel de se rappeler que le bien-être de la famille peut aussi affecter ses membres de façon individuelle. Cette présentation porte sur la santé pendant la pandémie de COVID‑19. Nous savons que tout le monde est très préoccupé par sa propre santé présentement. Ce qui m’a vraiment frappée dans les données recueillies, c’est à quel point les Canadiens se soucient de la santé des autres. Nous sommes préoccupés par la santé de notre famille, mais 80 % d’entre nous se soucient de la santé des personnes vulnérables au Canada ainsi que de notre système de santé. Les femmes ont tendance à avoir plus peur de contracter la COVID‑19 ou que les membres de leur famille ne contractent la COVID‑19 que leurs homologues masculins. Ce résultat est demeuré constant tout au long des huit semaines de la pandémie, mais cela n’a pas été le cas pour tous les résultats.

Examinons les tendances à long terme. La peur, l’anxiété, la nervosité, la tristesse, l’irritabilité, les problèmes liés au sommeil et les sautes d’humeur sont assez fréquents en cette période de COVID‑19, non seulement chez les adultes, mais aussi chez les enfants. Cette diapositive provient d’UNICEF Canada, qui a constaté que sept jeunes sur dix ressentent présentement des effets de la COVID‑19 sur leur santé mentale. Nous attendons avec impatience la publication, la semaine prochaine, d’un rapport sur la jeunesse canadienne qui sera diffusé par l’Association d’études canadiennes, Experiences Canada et l’Institut Vanier de la famille, alors restez à l’affût.

Nous devons également nous rappeler, à l’égard du bien-être, que plusieurs personnes avaient déjà des problèmes de santé avant l’apparition de la pandémie. L’une des choses qui m’ont frappée est que 25 % des Canadiens avaient de mauvaises habitudes de sommeil, même avant la pandémie, et cette proportion est maintenant en hausse. Il est possible que les travailleurs de première ligne et les fournisseurs de soins de santé éprouvent beaucoup de difficulté, à la fois en raison des exigences des quarts de travail en lien avec le sommeil, mais aussi à cause des rêves qu’ils font. Cette étude de Harvard montre que les rêves des travailleurs de la santé ressemblent beaucoup à ceux que font les vétérans. Le sommeil est une affaire de famille. Si un membre du ménage ne parvient pas à dormir ou essaie de dormir pendant la journée alors que les enfants font beaucoup de bruit, cela a un effet profond sur tous les autres membres. Le manque de sommeil peut entraîner de graves problèmes de santé : santé mentale, santé physique et autorégulation.

Cela m’amène à mon prochain sujet : la peur de la violence à la maison pendant la pandémie de COVID‑19. On voit passer de gros titres indiquant qu’il y a eu des décès dus à la violence familiale et qu’on a enregistré des pics d’appels pour les plaintes de violence familiale. Il est intéressant de souligner que certains fournisseurs de soins rapportent que des femmes sont incapables d’accéder à leur téléphone pour passer des appels nécessaires. Dans certains cas, on a signalé que des femmes ont tenté de sortir de la maison en douce, prétextant qu’elles allaient à l’épicerie ou autre afin de pouvoir utiliser leur téléphone pour appeler à l’aide. De telles situations existent également chez les aînés. L’isolement social en raison de la pandémie de COVID-19 constitue un facteur de risque en matière de maltraitance pour les aînés ainsi que de négligence pour les personnes âgées, les enfants et les femmes. Nous savons que souvent la violence familiale n’est pas signalée. C’est un sujet délicat qui est difficile à mesurer. Nous pouvons consulter les statistiques des rapports de police, mais nous comptons aussi sur les gens qui nous indiquent ce qui se passe chez eux, ce qui n’est pas toujours signalé à la police.

L’insécurité alimentaire constitue un autre enjeu pour les Canadiens pendant la pandémie de COVID‑19. De nombreux Canadiens étaient confrontés à des problèmes de sécurité alimentaire avant la pandémie. Leur nombre a augmenté en raison du contexte particulier dans lequel nous vivons présentement. Certaines banques alimentaires, notamment celles de Toronto, ont vu la demande augmenter de 50 % et l’on s’attend à ce qu’elle augmente encore davantage. Mais que font les familles pour favoriser leur santé mentale pendant la pandémie de COVID‑19? Plusieurs travaillent à domicile, ce qui leur permet de se libérer du temps pour faire plusieurs choses, comme peut-être communiquer avec la famille et les amis, apporter des changements à leur alimentation et pratiquer la méditation. Les gens préparent des repas à la maison. Les familles nous ont dit que l’heure des repas en famille était plus détendue et qu’elles n’avaient plus à se presser pour reconduire les enfants à leurs activités. Cela pourrait s’avérer très positif pour le bien-être de la famille en général.

Joanne Schnurr : Je vais poser quelques questions à nos prochains panélistes concernant ce que nous avons vu dans le diaporama. Ce qui m’a frappée, c’est que les femmes semblent davantage préoccupées par le fait de contracter la COVID-19 ou qu’un de leurs proches attrape la maladie. Je me demande si Joël Denis, qui est directeur exécutif à l’Agence de la santé publique du Canada, pourrait nous en parler. Y a-t-il une raison pour qu’elles soient plus inquiètes? Sont-elles plus susceptibles de contracter ce virus, ou d’où vient cette inquiétude?

Joël Denis : Bonjour à tous. Merci beaucoup pour la question. Je pense qu’il y a beaucoup de choses à décortiquer dans la vidéo que nous venons de voir. Une chose qui m’a marqué dans ce qui a été présenté, c’est que, pour certaines considérations de santé publique, nous aurions pu regarder cette vidéo avant qu’il soit question de la COVID-19. Certains des éléments de santé qui ont été identifiés ne sont pas vraiment nouveaux. La pandémie de COVID-19 a exacerbé certaines des vulnérabilités déjà présentes lorsqu’il est question de certains aspects sanitaires, mais aussi de certains groupes.

Il y a deux ou trois choses sur lesquelles il vaudrait la peine de revenir. L’une d’elles est la tension dans les familles dans une perspective de santé mentale. Je me demande si, du point de vue des femmes, il y a une tension relativement aux différents rôles qu’elles sont aujourd’hui appelées à jouer, en tant qu’aidantes, éducatrices, travailleuses sociales, mais aussi par rapport à la famille élargie et tout ce qui concerne le côté professionnel. Il faut aussi penser à l’inquiétude liée au retour des enfants à l’école, ce qui peut être positif dans la mesure où cela peut atténuer certaines tensions, mais la possibilité de contagion qui y est associée peut aussi susciter une certaine crainte.

Joanne Schnurr : Jennifer a également parlé des impacts sur les jeunes. J’ai entendu une histoire aujourd’hui concernant la police d’Ottawa. Celle-ci devrait composer avec une augmentation d’environ 25 % des conflits familiaux au cours des dernières semaines. J’aimerais savoir ce que Lisa Wolff peut nous dire sur ce sujet. Lisa est directrice des politiques et de l’éducation chez UNICEF Canada. Lisa, vous avez récemment mené des travaux sur les jeunes et les enfants, et sur la façon dont la COVID-19 affecte cette dynamique. Est-ce exact?

Lisa Wolff : Les enfants sont souvent considérés comme l’un des groupes les moins touchés, car ils ont tendance à ne pas être infectés par la COVID-19 : ils ne présentent pas de symptômes très graves. Mais en réalité, tous les aspects de leur vie sont touchés ou perturbés, y compris les systèmes, les services et les personnes sur lesquels ils peuvent compter. Je crois que c’est une bonne chose que les médias aient mis l’accent sur la sécurité des enfants à la maison. C’est certainement l’un des principaux domaines sur lesquels se concentrer afin de comprendre de quelle façon les enfants sont affectés. Lors de telles crises, comme nous l’ont appris les crises précédentes, particulièrement certaines crises économiques – et nous vivons aujourd’hui une crise économique et sociale complexe en santé – la violence domestique a tendance à augmenter et les enfants en sont souvent les plus grandes victimes.

Je pense que nous devons considérer l’ensemble de ce qui se dit dans les médias au sujet des enfants, qui sont souvent considérés comme des vecteurs d’infection ou des problèmes à gérer alors que les parents doivent concilier leurs responsabilités, ou de jolis minois sur les médias sociaux, ou encore le sujet au cœur des débats sur la réouverture des écoles. Il est vraiment important de parler directement avec les jeunes de la façon dont ils vivent cette pandémie. Or, c’est quelque chose qu’on ne voit pas souvent. À l’UNICEF et avec nos partenaires, nous avons communiqué directement avec les jeunes à travers le pays, notamment par le biais de notre plateforme U-Report. Nous apprenons des choses qui nous permettent de brosser un portrait plus complet de l’expérience des jeunes. En ce qui concerne la violence familiale, nous avons appris qu’un jeune sur quatre est très ou extrêmement préoccupé par le niveau de stress ressenti à la maison. Et 16 % d’entre eux se disent relativement préoccupés par le degré de violence dans la famille. Mais d’un autre côté, le tiers des jeunes disent que la possibilité de passer plus de temps en famille a été une très bonne chose, soit l’un des autres effets positifs ressentis.

Joanne Schnurr : Comment aborderiez-vous ces conversations avec les jeunes et avec les enfants de votre famille? Je suppose que cela dépend de leur âge, mais avez-vous des conseils sur la façon de mener ces conversations?

Lisa Wolff : Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire en matière de prévention de la violence familiale. Certaines d’entre elles sont en train d’être développées, mais je pense que la pandémie nous éclaire sur la manière de renforcer les systèmes qui n’étaient pas assez solides au départ et sur ce que nous pouvons faire pour améliorer la résilience dans le futur. Je pense que la prévention est essentielle. C’est pourquoi nous avons lancé une campagne plus large sur les mécanismes d’adaptation, tant pour les parents que pour les jeunes, et des renseignements sont mis à la disposition des parents, à la fois sur le site Web de l’UNICEF et celui de l’Agence de la santé publique, sur la façon d’établir le dialogue lorsque les parents et les enfants se sentent stressés.

Je pense qu’il est important que les intervenants en protection de l’enfance soient déclarés essentiels. Cela leur permet de maintenir des relations directes avec les familles où le risque est plus élevé. Leur travail touche à plusieurs volets et permet de soutenir de multiples initiatives. Nous savons que les jeunes sont confinés. Le nombre de regards posés sur eux est donc désormais restreint, mais les enseignants qui sont en ligne peuvent faire un suivi régulier auprès de leurs élèves et émettre des rapports aux services de protection de l’enfance comme ils le faisaient auparavant, si cela est indiqué.

Joanne Schnurr : J’aimerais inclure certaines questions de notre auditoire. Quelques personnes ont notamment mis l’accent sur les risques pour les familles monoparentales : le fait qu’elles aient moins de soutien financier et qu’elles subissent potentiellement plus de stress. Don Giesbrecht est directeur général de la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance. Don, j’aimerais que vous abordiez le sujet spécifique des familles monoparentales. Que voyez-vous? À quels facteurs de stress sont-elles confrontées?

Don Giesbrecht : Cela a eu un réel impact sur les familles, comme le disent tous les experts dans les articles de fond. Si je ne m’abuse, Joël tenait aussi à l’instant le même discours. Ce que nos partenaires et les programmes de garde d’enfants de tout le Canada nous disent au sujet de l’impact sur les familles et les familles monoparentales a été mis en relief dès le début de la pandémie, lorsqu’un journaliste s’est rendu dans un terrain de jeu et a interrogé des familles tout en se tenant à une distance sécuritaire. Elles se disaient en quelque sorte prises au dépourvu. On les sortait de leurs habitudes. Certains s’imaginent peut-être instinctivement que l’on n’a qu’à interagir avec son enfant présentement, et puis à aller au parc, à faire ceci, cela… Mais nous comptons vraiment sur nos services de garde d’enfants, et ce, tous les jours. C’est normal pour nous et c’est normal pour notre enfant. C’est normal pour nous d’interagir avec d’autres familles, et c’est tout à fait normal pour notre enfant d’interagir avec d’autres enfants. Si vous avez des enfants d’âge scolaire, vous avez vu l’impact immédiat qu’a ce stress sur les familles et la façon dont elles doivent gérer le travail à domicile, la garde des enfants, le fait qu’ils n’aillent plus à l’école et ce genre de choses.

J’ai parlé avec un certain nombre de familles et de voisins qui ont de jeunes enfants. Ils parlent bien sûr du côté formidable d’avoir de telles interactions avec leurs enfants et leur partenaire à la maison. Mais il y a aussi l’autre côté de la médaille. À quoi encore peut-on s’attendre? Aurons-nous accès à des garderies? Pourrons-nous compter sur de tels services dans le futur? Il est aussi question de ces mesures de soutien fondamentales pour les familles, pour la garde des enfants, et de l’inquiétude réelle à savoir si ces services seront à nouveau disponibles. Car, comme tout autre aspect de la société, les familles ont été touchées sur le plan opérationnel. Quelles sont les procédures à suivre pour que les enfants et les familles puissent reprendre leurs activités en toute sécurité? Qu’en est-il du traumatisme potentiel qui est en train de s’imposer? Si vous êtes soumis à un dépistage intensif quotidien au moment où votre enfant est admis dans un programme, quel impact cela aura-t-il sur votre enfant et votre famille? Il y a beaucoup de choses ici auxquelles réfléchir et que nous devrons décortiquer au fur à mesure que nous avancerons.

Joanne Schnurr : Vous ne pourrez peut-être pas répondre à cette question, mais j’allais vous demander comment vous arrivez à vous orienter compte tenu de tous les impondérables dans le milieu de la garde d’enfants.

Don Giesbrecht : Les réponses ont été variées d’une province à l’autre et d’un territoire à l’autre au Canada. Dès le début, certaines provinces ont complètement fermé les garderies, les écoles et pratiquement tous les autres secteurs de la société, d’autres ont ouvert leurs portes aux travailleurs des services essentiels, et d’autres encore ont réagi de manière très différente, par un mélange de ces diverses réponses. Aujourd’hui, vous vous interrogez sur la manière de rétablir ces programmes? Comment les rouvrir en toute sécurité? Combien d’enfants? Quelles seront les interactions permises? Je pense qu’il s’agit ici de l’une des questions clés : quelles seront les interactions permises? Il est certain que les éducateurs de la petite enfance et les instigateurs des programmes de garde d’enfants se préoccupent de la qualité des interactions entre l’enfant et l’éducateur de la petite enfance et la famille. Si vous avez instauré des mesures de distanciation physique, comment comptez-vous procéder? Parce qu’il n’est vraiment pas réaliste que les enfants n’aient pas d’interactions sociales entre eux ou avec leurs éducateurs.

Les réponses varient dans chaque juridiction quant aux pratiques et aux protocoles adoptés. Le Québec est probablement celui qui se fait le plus agressif en ce moment en termes de réouverture. Ils ont essuyé quelques revers en matière d’infections et autres. Nous surveillons cela de près et nous assurons qu’ils suivent les lignes directrices, qu’ils examinent un à un les facteurs ayant pu conduire aux problèmes rencontrés, afin d’apporter les améliorations qui s’imposent dans la mesure du possible.

Joanne Schnurr : Regardons maintenant les choses de l’autre côté. Nous avons bien sûr constaté l’impact de la COVID‑19 sur les établissements de soins de longue durée. Je lance cette question à qui veut bien y répondre dans ce panel. Pensez-vous qu’à l’avenir, les familles voudront garder leurs parents âgés à la maison? Vous attendez-vous à ce que les parents âgés se mettent à quitter les établissements de soins de longue durée pour habiter avec leur famille?

Lisa Wolff : À l’UNICEF, nous nous concentrons sur tout ce qui touche les enfants et les jeunes. Je dirais qu’il y a déjà beaucoup de familles multigénérationnelles où les enfants sont en contact avec des parents plus âgés. Les stratégies actuelles de confinement des ménages permettent, je l’espère, de maintenir cette unité familiale saine et solidaire. Les enfants en familles d’accueil et en foyers de substitution traversent une période particulièrement difficile, car les personnes qui s’occupent d’eux sont souvent plus âgées. La sécurité et les multiples perturbations qui pourraient survenir suscitent pour eux de nombreuses préoccupations, tout comme le fait d’essayer de maintenir des relations avec d’autres proches. Quoi qu’il en soit, je pense que les familles sont remarquablement résilientes et parviennent à trouver des moyens de faire face à la situation. Nous devons nous en remettre aux données probantes et admettre que les preuves sont insuffisantes pour affirmer que les enfants sont de réels vecteurs de propagation dans la famille, et ainsi permettre aux familles multigénérationnelles de demeurer unies et fonctionnelles.

Joanne Schnurr : On ne peut pas parler de bien-être familial sans parler des travailleurs de première ligne. Existe-t-il un plan pour composer avec le stress qu’ils sont susceptibles de ressentir une fois que nous serons sortis de cette crise – ce SSPT? Quels plans ont été mis en place afin d’aider ces travailleurs de première ligne à se remettre de ce qu’ils auront vécu?

Joël Denis : Il y a beaucoup de discussions à ce sujet en ce moment. Chaque juridiction aura probablement une approche légèrement différente pour ces travailleurs de première ligne et essentiels. En ce qui concerne le gouvernement fédéral, ces discussions ont lieu avec les provinces et les territoires. Il est également important de se souvenir que d’« autres » travailleurs essentiels ont été mis en relief, auxquels nous n’avions pas pensé à priori et à qui nous devrions peut-être continuer de penser lorsque nous amorcerons notre transition postCOVID. Par exemple, il ne faut pas penser seulement aux médecins, mais aussi aux infirmières. Pensons aux autres types de compétences que nous avons tendance à oublier, aux postes que nous avons eu du mal à pourvoir dans l’ensemble du pays. Cela va aussi jusqu’aux types de services dont nous dépendons : les caissiers des épiceries dont nous avons besoin afin que certains des autres aspects de la société puissent fonctionner. Je pense qu’il nous faut réfléchir plus largement à ce qui compte réellement et à ce que cela signifie en termes de soutien et de services pour l’avenir.

Joanne Schnurr : Nous avons examiné la question et je pense que nous savons quels sont les enjeux. De toute évidence, il reste encore beaucoup d’études à faire. Mais que devrions-nous faire maintenant? Comment aller de l’avant une fois que nous aurons traversé tout cela et comment mettre en œuvre les mesures qui s’imposent?

Joël Denis : Personne ne saurait le dire avec certitude. Je pense que la COVID nous fait tous réfléchir sur le type de changements que nous devons effectuer afin que la société soit plus résiliente dans son ensemble : à la fois d’un point de vue individuel, familial et sociocommunautaire. Elle a mis en évidence un certain nombre de choses, d’interactions entre les aspects socioéconomiques et la santé. Combien de temps garderons-nous cela en mémoire alors que nous envisageons la mise en place de nouveaux mécanismes de soutien? Aurons-nous tôt fait de tout oublier pour revenir à notre mentalité prépandémie? Ce sont là quelques-unes des questions que ce type de forums contribuent à mettre en relief. Quels sont les changements importants auxquels nous devons réfléchir en matière de systèmes afin que, dans l’ensemble, nous devenions plus résilients? Je crois que de grands changements s’imposent.

Joanne Schnurr : Je crois que ce genre de forums est nécessaire. Il y a encore tellement de choses sur lesquelles se pencher. Je vais maintenant dire au revoir à ces trois panélistes. Je vous remercie tous les trois pour votre exceptionnelle contribution. Je rends la parole à Tasha afin qu’elle nous présente le prochain volet et le sujet qui sera discuté.

Tasha Kheiriddin : Merci beaucoup, Joanne. Merci beaucoup, Don Giesbrecht, Lisa Wolff, Joël Denis ainsi que Jennifer Kaddatz. C’était une bonne question pour passer à la discussion sur l’avenir. C’est le dernier volet que nous allons examiner : les familles dans l’avenir. Les familles dans l’avenir, parce que dans l’avenir, on ne sait pas ce qui nous attend, mais on sait qu’il va y avoir des changements. Et les changements qu’on voit aujourd’hui, est-ce qu’ils vont durer, est-ce qu’ils vont muter en quelque chose d’autre? On ne sait pas. Jetons un œil à notre boule de cristal afin de voir quelle trace la pandémie pourrait laisser derrière elle.

Joanne Schnurr : Je laisse à Ana Fostik le soin de lire dans notre boule de cristal. Elle est démographe de la famille à l’Institut Vanier de la famille. Elle va nous parler de ce que les familles peuvent attendre de l’avenir et de leur évolution dans les semaines, les mois, voire les années à venir.

Ana Fostik : Lorsque l’on se questionne sur la façon dont la pandémie et la crise qui lui est associée affecteront les familles dans les années à venir, nous pouvons penser à plusieurs dimensions de la vie familiale qui pourraient être touchées. Mais dans les prochaines minutes, je me concentrerai sur les changements possibles dans le processus de formation des familles, les comportements en lien avec la procréation, la transition vers l’âge adulte et la stabilité des couples. Le contexte de la pandémie a contribué à accroître le niveau de stress dans les familles, non seulement en raison de la crise sanitaire, mais aussi à cause d’une crise économique sans précédent ayant entraîné des taux de chômage bien plus élevés que ceux observés lors des précédentes récessions économiques.

Dans ce contexte d’incertitude accrue sur le marché du travail, la première question à se poser est de savoir quels effets seront observés à la fois sur les intentions en matière de fécondité et sur les comportements adoptés en lien avec la reproduction. Les recherches ont démontré que les gens sont moins susceptibles d’avoir des enfants en période d’incertitude sociale et économique. Bien que les expressions « coronials » et « génération Zoom » aient récemment fait surface, il est peu probable que nous assistions à un baby-boom postquarantaine. Les confinements antérieurs lors de catastrophes naturelles ont eu peu d’effet sur la fécondité. La pandémie de coronavirus et le confinement qui y est associé ont provoqué une crise socioéconomique et entraîné des difficultés d’accès aux soins de santé, autant de facteurs qui entrent en jeu au moment de planifier une grossesse.

Au moment où la pandémie de coronavirus est arrivée, les taux de fécondité étaient déjà en baisse dans la plupart des sociétés occidentales. Par exemple, la dernière décennie aux États-Unis a été marquée par la croissance démographique sur 10 ans la plus lente jamais observée depuis que les statistiques sur la mortalité et la fécondité ont commencé à être compilées à la fin du 18e siècle. Selon un expert, dans un contexte où la mortalité augmente et la fécondité diminue – et si cette épidémie est aussi importante en termes de mortalité que ce à quoi l’on peut s’attendre –, le nombre de décès pourrait dépasser celui des naissances aux États-Unis, ce qui ne s’est jamais produit auparavant.

Lorsque l’on demande à un démographe à quoi s’attendre en termes de fécondité dans les années à venir, il nous répond qu’être parent est une décision irréversible. Les gens sont moins enclins à prendre ce genre d’engagements à long terme lorsque l’avenir est incertain. Dans un contexte de grande incertitude à l’échelle sociétale, les individus ont tendance à mettre leurs projets de reproduction en veilleuse, parfois indéfiniment.

L’expérience la plus récente que nous avons en matière d’incertitude généralisée et de détérioration des conditions économiques provient de la Grande Récession qui a débuté autour de l’année 2008. Des études récentes portant sur l’impact de cette récession sur les taux de fécondité ont montré que la baisse de la fécondité en Europe était fortement liée à l’augmentation du chômage, et que c’est dans les régions où les conditions du marché du travail se détérioraient le plus que l’on observait les plus fortes baisses des taux de fécondité. Dans ce graphique, on peut observer le taux de fécondité total, c’est-à-dire le nombre moyen d’enfants par femme, de 2000 à 2014. On constate que jusqu’en 2008, les taux de fécondité ont eu tendance à augmenter quelque peu ou à rester stables. Après la récession de 2008, les taux de fécondité se sont stabilisés ou ont diminué. Dans certains cas, cette baisse a été plutôt importante. Comme dans le sud de l’Europe, qui, nous le savons, a été l’une des régions les plus touchées par la crise économique et financière. Par exemple, dans les pays nordiques d’Europe occidentale, les baisses ont été moins marquées.

Un autre élément de la vie familiale qui pourrait connaître des transformations dans un contexte de chômage élevé, d’incertitude et d’instabilité est le passage à l’âge adulte. Quand les jeunes adultes quitteront-ils le foyer parental, formeront-ils une union cohabitante et auront-ils leur premier enfant? Nous savons que toutes ces étapes sont déjà retardées et surviennent à un âge plus avancé, particulièrement pour ce qui est d’avoir un premier enfant. Une fois encore, dans le contexte de la Grande Récession de 2008, les démographes ont observé que les jeunes adultes en Europe avaient reporté leur projet de vie indépendante alors qu’ils faisaient face à une grande précarité d’emploi et à des difficultés d’accès au logement. En d’autres termes, les jeunes adultes ont tendance à vivre encore plus longtemps avec leurs parents, ce qui a pour effet de retarder d’autres transitions, comme la formation d’un couple et la venue au monde d’un premier enfant. Certains démographes européens s’attendent à ce que la crise économique qui suivra la pandémie ait pour effet d’exacerber ces tendances déjà observées, à moins que des politiques appropriées ne soient élaborées afin d’aider à contrecarrer certains des effets négatifs de la crise.

Outre les préoccupations concernant la formation de nouveaux couples, une autre question se pose, à savoir quel effet la crise pandémique pourrait-elle avoir sur la qualité des relations de couple actuelles quant à l’intensité des conflits entre les partenaires ou les conjoints, et cela pourrait-il entraîner une plus grande instabilité des couples. L’une des façons dont la crise peut influencer l’intensité des conflits au sein des couples est lorsque les aspects sexospécifiques de l’équilibre travail-famille deviennent plus évidents, notamment lorsque plusieurs personnes travaillent à domicile, surtout s’ils assument en même temps des tâches relatives à la garde d’enfants. Si les conflits entre les couples s’intensifient, assisterons-nous à une augmentation des séparations et des divorces? Ou, au contraire, les gens seront-ils contraints de rester dans des relations insatisfaisantes si les difficultés économiques complexifient la séparation physique dans des lieux distincts? Nous pourrions éventuellement observer les deux tendances en même temps, car certains individus seront en mesure de se séparer ou de divorcer si leur sécurité d’emploi n’est pas menacée, tandis que d’autres devront peut-être endurer la relation jusqu’à ce qu’ils puissent retrouver une situation financière plus stable.

Les chercheurs ont déjà posé certaines de ces questions, alors que nous assistons à une prolifération de projets liés à la COVID partout dans le monde. Par exemple, certains projets s’intéressent à la qualité des relations des couples vivant en union libre pendant et après la pandémie de COVID‑19 aux États-Unis. Le projet COVID Together porte pour sa part sur la façon dont les couples s’adaptent et se soutiennent mutuellement pendant la pandémie au Canada. Et d’autres études internationales se penchent sur l’amour à l’ère de la COVID. Certains projets de recherche pertinents étaient déjà en cours en 2018, comme ce projet en Italie qui étudie la fécondité dans un contexte d’incertitude majeure. Il y a également un nouveau projet du Max Planck Institute for Demography qui examine les effets spécifiques de la crise de la COVID-19 sur la fécondité. Il existe une myriade de projets qui s’intéressent aux différents aspects de la dynamique familiale pendant et après la pandémie, et qui apporteront certainement un éclairage sur de nombreux autres aspects touchant les familles dans le futur. Voilà. Je vous remercie.

Joanne Schnurr : Merci beaucoup. Il y a beaucoup d’information à assimiler. Ce qui m’a le plus frappée, c’est le commentaire selon lequel le nombre de décès pourrait dépasser celui des naissances. Il s’agit des États-Unis, mais je pense que la même chose pourrait se produire ici aussi. On n’a jamais rien vu de tel dans toute l’histoire des États-Unis. Je voudrais demander à la sénatrice, Donna Dasko, quel impact une telle chose pourrait avoir sur les politiques et les recettes publiques à long terme?

Donna Dasko, sénatrice : Cette question est effectivement fort importante. Tout d’abord, je tiens à remercier Ana pour sa présentation et je remercie Nora Spinks de m’avoir invitée aujourd’hui. Je suis vraiment ravie d’être ici et d’avoir la chance d’assister à ces importantes présentations. Pour l’amour du ciel, par où commencer en matière de politiques d’intérêt public? Le fait que le nombre de décès surpasse celui des naissances pourrait bien n’être que l’un des défis que nous aurons à relever. Ce qui est au cœur des politiques d’intérêt public actuellement au Canada, ce sont, comme nous l’avons vu au cours des deux derniers mois, les mesures extraordinaires et sans précédent adoptées par le gouvernement. Des politiques et des mesures de soutien inédites ont été élaborées et mises en place pour les Canadiens.

Si nous devons nous concentrer sur les questions d’intérêt public, cela doit être l’élément central auquel nous sommes confrontés aujourd’hui en tant que pays. Nous disposons d’une aide financière importante : 150 milliards de dollars en aide directe aux particuliers et aux entreprises. Pour moi, le défi en matière de politiques d’intérêt public, à court et à moyen terme, est de savoir comment faire la transition vers de nouvelles mesures de soutien, si elles sont nécessaires, et comment délaisser celles que nous avons accordées. Elles sont censées être temporaires. Elles ont été instaurées pour cette raison particulière. C’est donc une préoccupation majeure. Deuxièmement, en raison des dépenses, la situation financière du gouvernement va devenir de plus en plus limitée. Je crains que cela ne cause beaucoup de problèmes compte tenu des dépenses publiques et des programmes que le gouvernement a mis en place.

J’espère également que ce qui ressortira de ce questionnement d’intérêt public sera positif. J’aimerais assister à l’instauration d’un revenu minimum garanti comme l’une des initiatives politiques découlant de cette période de réflexion. J’espère que cela se produira d’une manière ou d’une autre. Il se peut que de bonnes initiatives d’intérêt public en découlent, car dorénavant, il ne sera plus possible de jouer à l’autruche et de faire comme si ces problèmes n’existaient pas. Comment allons-nous nous en sortir? Comment allons-nous évoluer dans cette situation? Qu’est-ce que cela signifie pour le gouvernement? La réponse à la question est plutôt longue. C’est ce que nous étudions en ce moment. Comment devons-nous gérer la situation? C’est loin d’être simple.

Joanne Schnurr : Il est clair que le gouvernement ne peut pas influencer ce qui se passe dans la chambre à coucher des Canadiens, et l’un des commentaires d’Ana portait sur l’impact de la COVID-19 sur la fécondité. Je souhaitais que Jack Jedwab se joigne à nous. Il est président de l’Association d’études canadiennes. Qu’est-ce que l’avenir nous réserve dans cinq ou vingt ans, en termes d’écoles, d’universités, de bassin de talents, par exemple?

Jack Jedwab : Tout d’abord, permettez-moi de vous remercier, Joanne, ainsi que Nora pour l’invitation. Je pense qu’il est très difficile de prévoir quelles seront les conséquences sur l’éducation en général. Comme nous le savons, les efforts déployés actuellement afin d’assurer une scolarisation pour tous et dans les différentes sphères sont sérieusement perturbés. En ce qui concerne les familles, cela crée de nouvelles responsabilités pour les parents, notamment lorsqu’il est question d’enseignement à domicile, et pour les établissements d’enseignement qui, par le biais des technologies, doivent fournir du matériel aux enfants qui ne suivent plus leurs cours de façon traditionnelle.

Il est clair que ce qui se passe actuellement, en matière de conciliation travail-famille et de relations à la maison, aura de sérieuses conséquences, car beaucoup de gens ne voudront pas retourner au travail. Ils s’habituent au fait de travailler de la maison, et nous pourrions voir les rôles des hommes et des femmes changer et les relations avec les familles se transformer. Pour répondre à votre question sur l’éducation, à moyen terme, il y aura d’importants changements dans la façon d’instruire nos enfants et nos adultes de tous les niveaux.

Joanne Schnurr : Parlons d’une autre partie de notre population. Carl Cadogan travaille à la Reception House (une maison d’accueil) de la région de Waterloo. Carl, je me demande si vous pouvez nous parler des statistiques présentées par Ana concernant l’avenir des familles d’immigrants? Comment l’immigration ou le processus d’établissement seront-ils appelés à changer?

Carl Cadogan : Merci beaucoup pour cette question. Encore une fois, comme tout le monde, je voudrais remercier Nora pour l’invitation. Pour ce qui est de l’immigration, le Canada a été largement tributaire de l’immigration au cours des dernières années, non seulement pour les travailleurs étrangers et les étudiants internationaux, mais aussi pour les personnes qui ont choisi le Canada comme terre d’accueil, qu’il s’agisse de réfugiés pris en charge par le gouvernement ou de réfugiés parrainés par le secteur privé. À Kitchener-Waterloo, nous travaillons avec des groupes de personnes qui traversent une période très difficile pendant la pandémie. Il s’agit de personnes qui viennent d’arriver au pays. Elles ne se sont pas encore familiarisées avec les ressources accessibles à la plupart des Canadiens, ce qui fait qu’elles ont tendance à s’isoler davantage. Elles dépendent souvent beaucoup plus des services communautaires, or, plusieurs de ces services ne sont pas disponibles en ce moment. Cela a en quelque sorte eu un double impact sur les nouveaux arrivants au pays.

Alors que le Canada songe à rouvrir ses frontières… Enfin, pour commencer, nous nous demandons quand les frontières seront-elles rouvertes? Quand l’immigration reprendra-t-elle? Si on pense au fait qu’il pourrait y avoir plus de morts que de naissances, c’est dire que nous dépendons encore davantage de l’immigration. Or, comment pourrons-nous y arriver avec cette pandémie? Je n’ai pas nécessairement de réponse à cette question, mais c’est une question que nous nous posons. Je pense que le gouvernement doit entreprendre une réflexion stratégique pour trouver la meilleure façon d’y arriver et de soutenir les nouveaux arrivants. Je crois que certains des nouveaux arrivants peuvent profiter des initiatives qui ont été adoptées en matière d’emploi et de soutien aux familles. Mais certains d’entre eux ne savent pas comment s’y prendre. Ils n’ont pas la capacité, l’aptitude ou une connaissance appropriée de la langue pour accéder à ces renseignements. Il s’agit d’un problème auquel les nouveaux arrivants sont constamment confrontés, peu importe comment ils arrivent au pays.

Joanne Schnurr : Ana a également parlé de la formation des couples et des probabilités que les couples vivant des relations insatisfaisantes soient contraints de demeurer ensemble ou parviennent à se séparer. Qu’en est-il de la formation des couples eux-mêmes? Cela risque de changer pendant la pandémie, et après la pandémie. Les gens noueront-ils de nouvelles relations, et si ce n’est pas le cas, que se passera-t-il?

Jack Jedwab : Je vais vous donner un exemple personnel. Ma fille devait se marier le 5 juillet, et elle espérait avoir un très grand mariage. Pour l’instant, nous envisageons le mois de novembre, mais même au mois de novembre, ce ne sera peut-être pas possible. Nous devrons donc peut-être reporter le tout à nouveau. J’espère que ce sera juste un mariage, et non un grand mariage. C’est un exemple des défis que les couples et les futurs mariés rencontrent actuellement au moment de bâtir une relation dans ce contexte particulier. Je pense que cela représentera de plus en plus un défi. J’ose espérer qu’il s’agit d’un défi à moyen terme, et que nous travaillerons tous à trouver un moyen de revenir à la période préCOVID, même s’il ne fait aucun doute que cette expérience aura des effets, peu importe les efforts déployés pour retrouver notre vie d’avant. Cela dépendra en grande partie des leçons que nous en aurons tirées, de notre capacité à garder en mémoire ce qui s’est passé et de notre résilience.

On a tendance à avoir la mémoire de plus en plus courte depuis quelques années. Beaucoup de gens, comme nous le voyons dans les sondages en ce moment, souhaitent ardemment retrouver leur vie d’avant et toutes ces choses qui leur manquent aujourd’hui. Or, l’étendue de nos capacités pour les empêcher d’y revenir à moyen terme, malgré toutes les restrictions que nous mettons en place, est limitée, et cela représentera un très grand défi. Pour en revenir à ma fille, elle n’aura pas un grand mariage, mais elle est a très hâte de se marier et son partenaire aussi. Ils trouveront un moyen d’y arriver, comme beaucoup d’autres personnes. Pour ce qui est couples qui vivent actuellement des situations souvent plus difficiles, alors qu’ils passent plus de temps ensemble qu’auparavant, et que leurs habitudes et leurs rôles sont appelés à changer, la question se pose également. Nous disposons de beaucoup de données à ce sujet. Nous aurons besoin de ressources pour aider les gens à traverser cette situation particulière. Mais encore une fois, je pense que les gens souhaitent retrouver leur vie d’avant. Ils regrettent toutes les petites choses qu’ils tenaient auparavant pour acquises. Nous verrons comment cette situation évoluera et dans quelle mesure il sera possible de modifier les comportements des gens sur une période donnée, et combien de temps cela prendra.

Donna Dasko, sénatrice : Je suis d’accord avec Jack. Je pense que si je devais faire une hypothèse sur l’avenir de la famille après cette pandémie, je dirais que la plupart des gens voudront retrouver plusieurs des arrangements qu’ils avaient auparavant. Nous devons nous rappeler que la pandémie a forcé les gens à adopter des comportements contre leur gré : maintenir une distanciation physique et ne pas voir les amis ni la famille. Et personne ici n’a encore mentionné l’espace public et le fait que les gens souhaitent profiter de cet espace. Ils veulent jouer au baseball, au soccer, ou aller faire des courses au centre commercial. Ils ont été contraints d’éviter ce genre d’interactions, de relations et d’activités. Je suppose que beaucoup de gens voudront revenir au genre de choses auxquelles ils étaient habitués avant que cette situation ne s’impose, s’il est bien sûr possible d’y revenir. Et comme l’a dit Ana, il y aura des contraintes économiques. Si les gens n’arrivent pas à retrouver leur emploi, ils connaîtront des difficultés financières qui limiteront peut-être l’adoption de certains comportements et modes de vie tels qu’ils étaient auparavant.

Joanne Schnurr : Nous arrivons au terme de cette discussion. Je vous remercie tous d’y avoir contribué. Ce fut fort agréable. J’invite maintenant Tasha à formuler quelques commentaires en guise de conclusion.

Tasha Kheiriddin : Avant de conclure, je tiens à remercier notre dernier panel. La sénatrice Donna Dasko, Carl Cadogan, Jack Jedwab, Ana Fostik et, bien sûr, Joanne Schnurr. Avant de céder la parole à Nora Spinks pour le mot de la fin, je voulais simplement rappeler à tous ceux qui nous regardent – s’ils ont apprécié cette conférence aujourd’hui – que nous tiendrons plusieurs autres conférences comme celles-ci. Pour plus d’information, rendez-vous sur la page du Réseau COVID-19 sur les impacts sociaux sur le site de l’Association d’études canadiennes. La parole est à vous, Nora.

Nora Spinks : Merci beaucoup, et merci pour tous les efforts que vous avez déployés pour nous aider à mieux comprendre la situation. Merci à tous pour votre patience envers « la technologie ». Elle reproduit en quelque sorte ce que vivent les familles. Nous devons nous adapter au fur et à mesure. Je pense que ce que nous avons entendu aujourd’hui parle de cette expérience que nous vivons tous et que nous tentons d’étudier et de comprendre, en la mettant sous la loupe. Cette expérience amplifie et intensifie les forces et les faiblesses de chaque système, qu’il s’agisse d’une famille, d’une communauté ou d’un secteur.

Nous sommes tous concernés, et nous devons garder à l’esprit que certains enfants s’épanouissent à travers l’enseignement à domicile et adorent cela, alors que d’autres le vivent beaucoup moins bien. Il n’existe pas de « solution universelle ». Et nous constatons qu’il ne s’agit que de la partie cachée de l’iceberg. De nombreuses recherches ont été entreprises et plusieurs autres s’y ajouteront. Ce que nous faisons aujourd’hui aura un énorme impact sur l’avenir. Et si aucun bébé ne devait naître en 2021, cela voudrait dire que la réalité des classes de niveau préscolaire en 2026 sera fort différente de ce qu’elle est aujourd’hui, tout comme le sera celle des universités 15 ans plus tard.

Alors que nous bâtissons, revisitons et entreprenons la réouverture de notre économie de marché, nous devons réfléchir à l’importance et à la nécessité d’investir dans les soins de santé et de développer pleinement ce secteur. Nous considérons généralement les soins de santé comme un secteur de l’économie de marché. Or, ce que la pandémie a démontré, c’est que ce n’est pas viable à long terme. Nous devons vraiment réfléchir à la forme que prendront les soins de santé avec le temps. Il faut avant tout comprendre ce qu’ils représentent, et les données et les discussions sur cette question seront essentielles pour y parvenir. Nous devrons faire preuve d’ouverture et être sensibles à ce que les autres auront à dire. Nous continuerons de mener des enquêtes chaque semaine. Nous poursuivrons nos analyses au fil du temps et continuerons de mettre l’accent sur le bien-être des individus, des familles, des collectivités et d’autrui. Nous examinerons les possibilités ainsi que les défis à venir. Nous continuerons de chercher d’autres sources de données, que ce soit en recourant aux données sur la criminalité par exemple, ou encore, la semaine prochaine, nous lancerons une enquête auprès de thérapeutes conjugaux et familiaux dans tout le pays afin d’en apprendre davantage sur ce qu’ils vivent dans le cadre de leurs séances de thérapie.

J’aimerais conclure en remerciant tout le monde. Merci aux présentatrices Laetitia, Jen et Ana, à tous les panélistes, à Joanne qui a assuré l’animation des panels. Merci à Tasha pour l’animation et pour l’équipe de planification, merci pour le soutien technique et merci à vous, les participants. Nous apprenons tous au fur et à mesure ici, et nous sommes appelés à prendre des décisions personnelles, organisationnelles et économiques avec lesquelles nous devrons composer pendant un bon moment. Cela dit, nous avons beaucoup parlé de la façon dont les familles et les individus pratiquent les arts et la musique. Ceux d’entre vous qui connaissent bien les événements organisés par l’Institut Vanier savent que nous présentons toujours une forme d’art, de musique ou de spectacle dans le cadre de ceux-ci. Ainsi, pour clore cette conférence aujourd’hui, nous vous présentons une vidéo préparée par L’Arche Canada, l’un de nos organismes partenaires, intitulée « Tiny Lights » (Petites lumières). C’est l’expression qu’ils utilisent pour parler de bonté, d’espoir et de générosité, et nous vous laissons sur cette note.

Visionnez la vidéo « Tiny Lights »

 

* Cette transcription exclut les allocutions d’ouverture de Son Excellence la très honorable Julie Payette, gouverneure générale du Canada, et de M. Ahmed Hussen, ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social.

La série de conférences en ligne sur les impacts sociaux de la COVID-19 est financée par le Conseil de recherches en sciences humaines.

 

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