Quelle est votre « famille élargie et choisie » en cette crise de COVID-19?

Jennifer Kaddatz

1er mai 2020

Il y a près de huit ans déjà, ma famille quittait la Colombie-Britannique afin que je puisse venir travailler à Ottawa. Pour moi, c’est encore comme si c’était hier. Ce déménagement a été un changement de vie important, avec son lot d’inquiétudes. La séparation que nous imposions alors à nos trois jeunes garçons nous a beaucoup bouleversés, alors qu’ils se voyaient arrachés à leurs grands-parents et leur tante habitant sur la côte ouest. Les autres membres de notre relativement petite famille élargie sont répartis dans trois pays, la majorité d’entre eux résidant dans le Pacifique Sud, alors il ne restait plus de petits-enfants à câliner en Colombie-Britannique.

Mon mari et moi avons dû nous débrouiller seuls après notre déménagement en Ontario, mais nous sommes maintenant bien installés, après huit merveilleuses années. Au cours de cette période, nous avons développé des relations privilégiées avec nos nouveaux voisins, et bien que cela ne puisse remplacer la famille, nos relations avec ceux-ci nous sont fort précieuses.

Toujours prévoir où se réfugier en cas d’apocalypse de zombies

Moins d’un an après notre arrivée à Ottawa, ma famille et moi nous étions faits de nouveaux amis extraordinaires – des adultes et des enfants que nous avons rencontrés grâce à notre implication dans l’organisme Scouts Canada. Ces amis – notre « famille choisie » – sont désormais les personnes avec qui notre famille célèbre chacune des fêtes ou des occasions spéciales, comme Noël, le Nouvel An, Pâques, la Saint-Patrick, la fête de la Reine, la fête du Canada, la fête du Travail et l’Action de grâces, ainsi que les divers anniversaires qui ponctuent ce récit.

Ce sont les amis avec lesquels on se divertit, on fait bouillir du sirop d’érable et on vit de nouvelles aventures (On joue au « lancer de la hache »? On se fait un karaoké?) et avec qui l’on passe nos vacances d’été. Nous connaissons les familles biologiques élargies de chacun, nos enfants ont grandi ensemble (comme des frères et sœurs ou des cousins) et nous avons tous vu le petit dernier se départir de sa graisse de bébé et de ses couches, et l’aîné obtenir son permis de conduire et s’engager dans une relation sérieuse avec une fille.

Ces trois familles sont les amis avec lesquels nous avons toujours dit à la blague que nous ferions équipe advenant une apocalypse de zombies. Or, c’est plutôt une apocalypse de COVID‑19 qui nous attendait, mais au moins nous étions prêts! Besoin de papier toilette ou de farine? Quelqu’un en apportera. Besoin d’un sourire? Quelqu’un nous fera rire. En pleine pandémie, les garçons sont en contact avec les autres pratiquement 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, échangeant en ligne aussi bien lorsqu’ils font leurs devoirs que lorsqu’ils s’adonnent à des jeux vidéo.


  • Quelque 90 % des adultes au Canada disent avoir autour d’eux des personnes sur lesquelles ils peuvent compter en cas d’urgence1.
  • Chez 44 % des Canadiens, l’une des principales précautions prises en réponse à la situation de COVID‑19 a été d’établir un plan de communication avec la famille, les amis et les voisins2.

Rapprochez-vous de vos voisins – en restant bien sûr à plus de deux mètres

Mais ces trois familles ne constituent pas ma seule communauté locale. Je pense que j’ai les voisins les plus géniaux de la planète. Mon quartier quelque peu rural s’est transformé assez rapidement, passant d’un endroit où la plupart des « enfants » étaient dans la jeune vingtaine, à un voisinage où une maison et une cour sur deux accueillent aujourd’hui les cris et l’énergie d’en moyenne trois enfants et jeunes, dont la plupart ont moins de 12 ans. L’hiver, nous allons ensemble patiner. Chaque année, nous organisons une chasse aux œufs de Pâques, des feux de camp, des randonnées à vélo. Nous avons aussi instauré un système informel d’alerte « tiques et animaux sauvages » ainsi qu’un club de partage de semences de légumes, sans oublier que nous formons un groupe diversifié de mères et de pères incroyablement travailleurs, compatissants, généreux et, ne l’oublions pas, vraiment fatigués.

Lorsque j’ai suivi mon traitement contre le cancer au début de l’année, ce sont ces voisins qui ont pris soin de moi, en s’assurant que ma famille avait tout ce dont elle avait besoin, y compris certains des repas faits maison les plus délicieux jamais partagés. Ce matin, pour déjeuner, j’ai eu droit à un pain fraîchement cuit par l’une de mes voisines qui travaille dans le secteur de la santé, souhaitant me remercier de lui avoir fabriqué des équipements de protection individuelle pendant la pandémie.


  • Près des trois quarts (74 %) des Canadiens se sentent très attachés (35 %) ou assez attachés (39 %) à leur voisinage3.
  • Quatre personnes sur cinq (80 %) au Canada affirment que leurs voisins suivent rigoureusement (29 %) ou assez rigoureusement (51 %) les conseils des autorités de santé publique concernant la distanciation physique4.

Rester en contact avec la famille et les amis grâce à la technologie

Grâce à la technologie, ma communauté ne s’arrête pas à la frontière de l’Ontario. J’ai grandi dans un village d’agriculteurs et de pêcheurs où la mascotte de l’école secondaire était un cheval et où la rue principale était ornée de buissons de mûres. Ce genre d’enfance est favorable à la création de liens durables et mes meilleures amies d’enfance sont toujours près de moi aujourd’hui. En cette pandémie de COVID‑19, nous échangeons tous les jours des textos et discutons par le biais des diverses plateformes de médias sociaux, même si elles vivent loin de moi, à l’Ouest, sous les cerisiers en fleurs, alors qu’ici, dans l’Est du Canada, le temps est encore aux frissons.

Ces femmes magnifiques me font rire, me donnent de l’espoir et m’incitent même à faire de l’exercice. C’est avec elles que j’échange lorsque j’ai besoin d’une épaule sur laquelle m’appuyer. Nous subissons toutes divers aspects ou effets de la pandémie, et quoique ceux-ci nous touchent de manières différentes, nous sommes toujours là les unes pour les autres, quoi qu’il arrive.


  • Depuis le début de la pandémie de COVID‑19, 41 % des personnes au Canada passent davantage de temps sur les médias sociaux5.
  • Quelque 88 % des adultes au Canada sont très attachés ou assez attachés à leurs amis, une proportion tout juste inférieure aux 93 % d’adultes étant très attachés ou assez attachés à leur famille6.

Mais ce n’est pas uniquement pour le plaisir et les jeux

Pour moi, rester en contact avec mes meilleures amies de toujours, mes amis lanceurs de hache d’Ottawa et mes extraordinaires voisins (comme nous exténués) ne consiste pas seulement à passer du bon temps. Ce cercle restreint de personnes forme ma « famille extra élargie » et mes relations avec celles-ci me sont essentielles pour préserver une bonne santé mentale. En période de crise, comme dans le cas de la pandémie de COVID‑19, ils sont ma bouée de sauvetage.


  • La moitié (50 %) des Canadiens affirment que leur santé mentale s’est détériorée en cette période de COVID‑19, et 1 sur 10 (10 % dans l’ensemble) disent qu’elle s’est détériorée de façon importante7.
  • Lorsqu’on leur demande de décrire, de façon générale, comment ils se sentent depuis les dernières semaines, les Canadiens affirment surtout être inquiets (44 %) et anxieux (41 %) et disent s’ennuyer (30 %), alors que plus du tiers (34 %) se sentent plutôt reconnaissants8.

Vers qui d’autre se tourner pour obtenir de l’aide?

Le gouvernement canadien a reconnu que la COVID-19 pouvait entraîner du stress, à divers degrés, chez les nombreuses personnes qui n’ont pas facilement accès à ce réseau social, à cette communauté et à ce voisinage pour lesquels je suis si reconnaissante.

Il a ainsi mis sur pied la plateforme Espace mieux-être Canada, qui propose une série d’outils offrant différents niveaux de soutien en fonction des besoins9. Elle offre en outre la possibilité de discuter avec des travailleurs qui participent au programme de soutien par les pairs et d’autres professionnels.

Rendez-vous sur le site Espace mieux-être Canada pour communiquer avec d’autres personnes dans les moments difficiles.

Jennifer Kaddatz, Institut Vanier, en détachement de Statistique Canada


Notes

  1. Un sondage de l’Institut Vanier de la famille, de l’Association d’études canadiennes et de la firme Léger, mené du 10 au 13 mars, du 27 au 29 mars, du 3 au 5 avril, du 10 au 12 avril et du 17 au 19 avril 2020, comprenait environ 1 500 personnes de 18 ans et plus qui ont été interrogées à l’aide d’une technologie ITAO (interview téléphonique assistée par ordinateur) dans le cadre d’une enquête en ligne. Tous les échantillons, à l’exception de celui du 10 au 13 mars, comprenaient également un échantillon de rappel d’environ 500 immigrants. À l’aide des données du Recensement de 2016, les résultats ont été pondérés en fonction du sexe, de l’âge, de la langue maternelle, de la région, du niveau de scolarité et de la présence d’enfants dans le ménage, afin d’assurer un échantillon représentatif de la population. Aucune marge d’erreur ne peut être associée à un échantillon non probabiliste (panel en ligne, dans le présent cas). Toutefois, à des fins comparatives, un échantillon probabiliste de 1 512 répondants aurait une marge d’erreur de ±2,52 %, et ce, 19 fois sur 20.
  2. Statistique Canada, « Comment les Canadiens vivent-ils la situation liée à la COVID-19? » dans Infographies (8 avril 2020). Lien : https://bit.ly/3aOn90O
  3. Sondage de l’Institut Vanier de la famille, de l’Association d’études canadiennes et de la firme Léger, mené du 17 au 19 avril (voir la note 1).
  4. Entre les 14 et 17 mars 2020, Nanos a mené un sondage aléatoire hybride par téléphone et en ligne à double base d’échantillonnage (lignes terrestres et cellulaires par composition aléatoire) auprès de 1 013 Canadiens de 18 ans et plus. La marge d’erreur pour ce sondage est de ±3,1 points de pourcentage, et ce, 19 fois sur 20.
  5. Sondage de l’Institut Vanier de la famille, de l’Association d’études canadiennes et de la firme Léger, mené du 10 au 12 avril (voir la note 1).
  6. Sondage de l’Institut Vanier de la famille, de l’Association d’études canadiennes et de la firme Léger, mené du 17 au 19 avril (voir la note 1).
  7. Angus Reid Institute, Worry, Gratitude & Boredom: As COVID-19 Affects Mental, Financial Health, Who Fares Better; Who Is Worse? (27 avril 2020). Lien : https://bit.ly/3eWWzGd
  8. Ibidem
  9. Santé Canada, Le gouvernement du Canada aide les Canadiens à accéder à des services favorisant le mieux-être mental pendant la pandémie de COVID‑19 (15 avril 2020). Lien : https://bit.ly/2yWslCl
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