Le divorce au Canada : L’évolution de deux tendances

Nathan Battams présente de nouvelles données de recherche sur les tendances en matière de divorce au Canada au cours des 30 dernières années.

22 mars 2022

Nathan Battams

Le taux de divorce au Canada a fluctué au cours de l’histoire, influencé par l’évolution des tendances socioéconomiques, juridiques et culturelles. Entre la fin des années 1960 et la fin des années 1980, le nombre de divorces et le taux de divorce ont tous deux augmenté, sous l’effet d’un ensemble de facteurs interdépendants – comme la diminution de la réprobation entourant le divorce, l’indépendance financière accrue des femmes et les importantes réformes de la Loi sur le divorce adoptées en 1968 et 1987 – qui ont facilité l’accès au divorce.

De récentes données publiées par Statistique Canada montrent toutefois qu’en raison de divers facteurs, on a observé une baisse notable du taux de divorce et du nombre de divorces au cours des 30 dernières années. Ce phénomène peut être assimilable à deux déclins qui se chevauchent et interagissent, en plus d’avoir des moteurs et des effets distincts.

Les données sur le divorce ne permettent pas de brosser un portrait complet de la réalité, mais ce qu’elles révèlent est important

Les statistiques sur le divorce s’avèrent importantes, car elles jettent un éclairage unique sur des sujets qui sont au cœur de la vie de famille – notamment la fécondité, l’accumulation de richesses, le logement et la prestation de soins – et qui sont tous susceptibles d’influencer le bien-être familial. Le portrait dépeint par les statistiques n’est toutefois pas complet, puisque 21 % des couples vivaient en union libre en 2016 – une proportion qui ne cesse de croître et qui est encore plus élevée dans certaines régions du pays. Or, la dissolution de ces couples n’est pas couverte par les données sur le divorce, pas plus que ne l’est la séparation des couples mariés.

Néanmoins, les données sur le divorce demeurent des indicateurs uniques et précieux, car les mariages représentent toujours une grande majorité des relations de couple (79 % en 2016), et il s’agit des seules statistiques annuelles sur les dissolutions d’union auxquelles nous ayons accès. Il n’existe en effet aucun registre officiel sur les séparations, et les données sur le divorce ne rendent pas compte de la dissolution des couples en union libre.

Première tendance : baisse progressive du taux de divorce de 1991 à 2019

Parallèlement à la croissance générale de la population, le nombre de personnes mariées au Canada a augmenté au cours des 30 dernières années. Malgré cela, le nombre de divorces a considérablement diminué, passant d’environ 79 000 en 1991 à 57 000 en 2019.

À l’instar du nombre de divorces qui a progressivement diminué, le taux de divorce (c.-à-d. le nombre de personnes qui divorcent au cours d’une année donnée pour 1 000 personnes mariées1) a lui aussi connu une baisse, passant de 12,7 pour 1 000 en 1991 à 7,5 pour 1 000 en 2019.

Les deux principaux facteurs à l’origine de ce déclin progressif souligné par Statistique Canada sont le vieillissement de la population et une moindre tendance au divorce chez les jeunes adultes mariés d’aujourd’hui.

Dans l’ensemble, les Canadiens mariés ont pris de l’âge au cours de cette période, ce qui est en partie le résultat du vieillissement général de la population au Canada2. En outre, les jeunes générations optent de plus en plus pour l’union libre au lieu de se marier. Le taux de divorce selon l’âge a tendance à être relativement plus faible chez les adultes plus âgés : 4,2 pour 1 000 chez les personnes âgées de 50 ans et plus en 2020, contre 7,7 pour 1 000 chez les moins de 50 ans3. Les adultes plus âgés représentant une part croissante de la population mariée, alors que les plus jeunes ont tendance à opter pour l’union libre, ces facteurs convergent et entraînent une baisse du taux de divorce.

Il est toutefois important de noter que l’écart entre le taux de divorce des jeunes et des générations plus âgées a diminué considérablement depuis le milieu des années 2000, et ce, en raison de la baisse du taux dans les tranches d’âge de moins de 50 ans, la plus forte baisse globale étant enregistrée chez les moins de 35 ans (voir le graphique ci-dessous).

En plus des jeunes générations chez qui on observe les plus fortes baisses du taux de divorce, ceux qui choisissent de se marier le font à un âge plus avancé qu’auparavant; l’âge moyen du mariage chez les personnes ayant divorcé est passé de 23,7 ans en 1980 à 30,7 ans en 2020.

Deuxième tendance : diminution importante du nombre de divorces entre 2019 et 2020

Le deuxième déclin est plus récent et plus intense, et résulte en grande partie des perturbations liées à la pandémie et de la difficulté à accéder à divers services et processus liés à l’obtention d’un divorce au cours de cette période. Les mesures de protection adoptées par les autorités de santé publique au début de la pandémie ont ralenti les procédures judiciaires; certains tribunaux ayant dû fermer temporairement leurs portes, les affaires moins urgentes ont dû être ajournées.

C’est au cours de ces premiers mois que l’on constate une baisse importante du nombre de divorces, par rapport aux années précédentes. Près de 43 000 divorces ont été prononcés au Canada en 2020 (soit le nombre le plus faible observé depuis 1973), après une baisse annuelle record de 25 % par rapport aux 57 000 divorces enregistrés en 2019. Parallèlement au nombre de divorces, le taux de divorce a également diminué, passant de 7,5 pour 1 000 personnes mariées en 2019 à 5,6 pour 1 000 en 2020.

Alors que le nombre mensuel de demandes de divorce a fortement diminué à partir de mars 2020, les données montrent qu’en juillet 2020, il est revenu à un niveau similaire à celui observé au cours des années précédentes.

 

Bien qu’il s’agisse d’une évolution importante des tendances à long terme, il est important de noter que la plupart des changements se sont produits au cours des quatre premiers mois de la pandémie. Or, on ne connaît pas encore toutes les répercussions de la pandémie sur le divorce au Canada, car de nos jours, la majorité des divorces sont demandés « sans égard à la faute », et pour que ce type de divorce soit accordé, les couples doivent être séparés depuis au moins un an. On en verra donc les effets seulement dans les données de 2021, qui ne sont pas encore publiées.

Comme c’est la première fois depuis plus d’une décennie que Statistique Canada publie de l’information sur le divorce à partir des données statistiques de l’état civil, cette publication fournit des perspectives et des renseignements fort importants et convoités depuis longtemps par ceux et celles qui s’emploient à étudier les familles et la vie de famille. La collecte, l’analyse et la publication continues des données de l’état civil permettront de clarifier et d’améliorer notre compréhension à la fois de ces tendances et d’autres tendances liées à la vie de famille.

Nathan Battams est responsable de la mobilisation des connaissances au sein de l’Institut Vanier de la famille.


Notes

  1. Cette mesure est également connue sous le nom de taux de divorce raffiné (refined divorce rate) ou de taux de divorce conjugal (marital divorce rate). Dans l’équation, la « population mariée » comprend les personnes séparées, mais qui demeurent légalement mariées.
  2. Pour en apprendre davantage sur le vieillissement de la population, consulter le document Coup d’œil sur le vieillissement de la population et les relations intergénérationnelles au Canada (Institut Vanier de la famille, 2017).
  3. STATISTIQUE CANADA, « Nombre de personnes qui ont divorcé une année donnée et taux de divortialité pour 1 000 personnes mariées, selon le groupe d’âge et le sexe ou le genre », tableau 39-10-0053-01.
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