La réalité des aînés LGBTA+ vis-à-vis des soins de santé

Laura Zuccaro

Mise à jour au 8 septembre 2015

À l’instar de nombreux autres pays du monde, le Canada est confronté au vieillissement de sa population : on y comptait 4,9 millions de personnes de 65 ans ou plus en 2011, dont près de 6 000 centenaires((Statistique Canada, « Âge et sexe – Faits saillants en tableaux, Recensement de 2011 ». Dans Produits de données de 2011. (Dernière mise à jour au 23 novembre 2017.) Lien : http://bit.ly/2xRjj8z)). Parmi ces Canadiens d’un certain âge, plusieurs sont touchés par une maladie chronique ou épisodique, ou encore par une incapacité ou une autre affection nécessitant une fréquentation accrue du système de soins de santé. Or, chez les aînés LGBTA+, le recours aux soins médicaux risque d’être entravé par l’éventuelle discrimination manifestée à leur endroit. Pour ces patients âgés, la principale difficulté consiste à devoir révéler qu’ils ou elles sont lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres ou allosexuels, et de subir de la discrimination à cet égard((Shari Brotman, Bill Ryan et Robert Cormier, « The Health and Social Service Needs of Gay and Lesbian Elders and Their Families in Canada » dans The Gerontologist, vol. 43, no 2 (2003). Lien : http://bit.ly/1ggcMmo)).

Selon Statistique Canada, la fréquentation du système de soins de santé au Canada par les gais, les lesbiennes ou les bisexuels (consultation d’un médecin de famille ou d’autres professionnels de la santé, ou examens de dépistage préventif) varie selon l’identité sexuelle, et leurs choix en matière de santé diffèrent de ceux des hétérosexuels((Michael Tjepkema, « Utilisation des services de santé par les gais, les lesbiennes et les bisexuels au Canada » dans Rapports sur la santé, vol. 19, no 1, no 82-003-X au catalogue de Statistique Canada (mars 2008). Lien : http://bit.ly/2hOVT92)). Bon nombre d’aînés ne parlent jamais de leur orientation sexuelle, sauf si leurs soins en dépendent, et plusieurs prestataires de services évitent aussi cette question au moment de dresser un plan de soins. Les études réalisées par l’Université McGill révèlent que l’approche passive du « ni vu, ni connu » semble prédominante dans le système de soins de santé((Brotman, Ryan et Cormier.)).

Bon nombre d’aînés ne parlent jamais de leur orientation sexuelle, sauf si leurs soins en dépendent, et plusieurs prestataires de services évitent aussi cette question au moment de dresser un plan de soins.

Plusieurs aînés homosexuels bénéficient du soutien de leur famille biologique, de leurs enfants et de leurs petits-enfants, alors que d’autres se tournent vers des amis qu’ils considèrent comme des membres de leur propre famille (on parle parfois de « famille choisie » ou de « parenté volontaire »)((Brotman, Ryan et Cormier.)). Or, puisque la définition élargie de la famille n’est pas toujours bien comprise par les fournisseurs de soins de santé, il n’est pas rare que des conjoints de même sexe préfèrent se présenter comme des amis ou des colocataires pour éviter d’être considérés comme des cas à part. Dès lors, les conjoints LGBTA+ sont souvent mal à l’aise de se témoigner de l’affection, ou éprouvent de la difficulté à se faire reconnaître comme conjoint du bénéficiaire de soins.

Diverses études sur les aînés homosexuels démontrent que ces derniers (ou leurs aidants) sont parfois victimes de discrimination réelle ou par anticipation découlant d’attitudes ou de politiques homophobes ou hétérosexistes dans le système de soins de santé. Par exemple, certains ont évoqué le caractère discriminatoire de certaines pratiques relatives aux heures de visite dans les hôpitaux, notamment lorsque l’on refuse à des aidants LGBTA+ de rester auprès de leur conjoint parce qu’on ne les considère pas comme des membres de la famille. Quant à la discrimination par anticipation, elle survient par exemple lorsqu’un aîné hésite à révéler son orientation sexuelle (voire à solliciter des services de santé) après avoir connu des expériences malheureuses. Quelle que soit la forme de discrimination, les aînés qui en sont victimes hésitent à révéler leur identité homosexuelle et éprouvent de la difficulté à se faire soigner convenablement((Shari Brotman et autres, « Coming Out to Care: Caregivers of Gay and Lesbian Seniors in Canada » dans The Gerontologist, vol. 47, no 4 (2007). Lien : http://bit.ly/2guIer6)).

Pour atténuer les préjugés qui émaillent le système de soins de santé, les recherches menées jusqu’ici laissent entendre que des services spécialisés facilitant l’intégration des gais et lesbiennes et favorisant le dialogue avec les professionnels de la santé permettraient d’accroître considérablement la fréquentation du système de soins de santé par les aînés LGBTA+ au Canada((Shari Brotman et autres.)). On peut notamment envisager l’organisation d’ateliers destinés aux travailleurs de la santé sur les besoins particuliers des aînés homosexuels, l’embauche de travailleurs de la santé gais ou lesbiens, l’adoption d’une terminologie non sexiste relativement à l’identité et à la nature des liens, la prise en compte des questions de confidentialité, ou encore la mise sur pied de groupes de soutien, de centres d’aide téléphonique, de programmes de sensibilisation communautaire ou d’établissements spécialisés (comme le centre Kipling Acres, un établissement de soins de longue durée ouvert à l’homosexualité et desservant les aînés de Toronto). De tels services permettraient de réduire les obstacles qui se dressent entre les aînés LGBTA+ et leurs fournisseurs de soins de santé, et d’améliorer leurs interactions, tant du point de vue du prestataire de soins que du patient lui-même.

Laura Zuccaro est étudiante de deuxième année en médecine à l’Université d’Ottawa.


La première version de cet article est parue dans Transition (vol. 44, no 3) en juillet 2014.

Mise à jour au 8 septembre 2015

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