Je t’aimerai toujours : les soins d’une mère

Gaby Novoa présente une discussion sur le lien profond qui unit une mère et son enfant.

6 mai 2021

« Je t’aimerai toujours,
La nuit comme le jour,
Et tant que je vivrai,
Tu seras mon bébé. »
– Robert Munsch

Après une année sans pareil, nous entamons le mois de mai avec l’occasion de célébrer les mères et la maternité.

Bien que la COVID-19 ait indéniablement eu une incidence sur les familles et de nombreux aspects de la vie familiale, elle n’empêche pas pour autant leurs membres de s’aimer, de se soutenir et de prendre soin les uns des autres. En tant qu’institution sociale la plus adaptable de notre société, les familles évoluent en ajustant d’anciennes traditions ou en en créant de nouvelles – une source de continuité et de stabilité pour les familles et leur communauté.

Les soins sont souvent abordés sous l’angle des rôles et des responsabilités. Or, les soins d’une mère vont bien au-delà de l’éducation de ses enfants; ils se poursuivent et évoluent même après que l’enfant eut atteint l’âge adulte. Il importe de reconnaître que toutes les relations mère-enfant ne se ressemblent pas et que bon nombre d’entre elles connaîtront des moments difficiles. La notion de soins dans les relations familiales peut donc également impliquer l’établissement de limites saines.

À l’occasion de la fête des Mères, nous nous intéressons aux soins en tant que connexion, continuité et relation. Hannah est une étudiante montréalaise qui vit avec sa mère. Pendant la pandémie, leur relation s’est renforcée et a évolué. Lors d’un entretien, Hannah nous a parlé de l’importance qu’a eu le confinement sur sa relation, les moments partagés ayant été plus nombreux, comme l’ont aussi été les occasions d’engager des conversations en profondeur et de vivre d’heureux moments de répit.

ENTRETIEN

Lorsque vous pensez à la pandémie et à ce qu’elle a représenté, quelle est la chose qui vous a le plus marquée?

Le fait de passer du temps avec ma mère. Au début du confinement, lorsque je travaillais dans une pharmacie, nous suivions toujours la même routine. Au moment de rentrer à la maison après le travail, je lui envoyais un message et elle m’ouvrait la porte afin que je puisse immédiatement retirer mon uniforme et mettre tous mes vêtements dans la laveuse. C’était méthodique – elle commençait la lessive et je passais directement à la douche. C’était la première fois que je suivais réellement une routine à la maison.

Ce que je retiendrai de ma relation avec ma mère, c’est notre rapprochement. Nous étions plutôt proches l’une de l’autre lorsque j’étais plus jeune, mais nous nous sommes quelque peu éloignées au fil du temps. Or, le confinement nous a contraintes d’occuper le même espace, de réfléchir et d’échanger sur différents sujets : nous avons traversé ensemble ce qui se passait, qu’il s’agisse de la crise sanitaire ou encore du mouvement « Black Lives Matter » (La vie des Noirs compte).

Comme nous avons passé tout notre temps libre ensemble, il allait de soi de devenir des amies. Cela n’a pas été du tout difficile, car nous nous apprécions vraiment l’une l’autre. Mais, avant la pandémie, elle travaillait de longues heures et allait se coucher dès qu’elle rentrait à la maison. La dernière année nous a donc permis de redevenir des amies, ce qui est très agréable, car elle n’a évidemment jamais cessé d’être ma mère, mais nous avons pu développer notre relation d’une nouvelle manière.

Comment avez-vous passé ce temps « retrouvé » ensemble?

Souvent, il s’agissait simplement de coexister – nous étions tout bonnement dans la même pièce. Pendant un certain temps, nous regardions toujours les nouvelles. C’était donc quelque chose que nous faisions ensemble et dont nous discutions. Mais lorsque les choses se sont quelque peu calmées au sujet du virus, nous sommes peu à peu passées à autre chose.

Toutes les choses que nous faisions habituellement chacune de notre côté, nous avons fini par les faire ensemble, activement ou non. Elle aime peindre et faire des croquis, et j’aime lire, alors quelquefois nous nous sommes adonnées à l’une de ces activités ensemble, ce que nous n’avions jamais fait auparavant. Ou bien nous partagions simplement le même espace, alors que je lisais mon livre et qu’elle pratiquait son art. Cet espace partagé était tout à fait intentionnel, puisque sa chambre est à l’étage et la mienne, au rez-de-chaussée, mais nous nous retrouvions dans le salon, notre lieu commun.

Comment le soutien se manifeste-t-il dans votre relation, quelle forme prend-il?

Je me suis sentie vraiment soutenue à la maison. Ma mère me soutient financièrement : je demeure à sa charge pendant mes études. La pandémie a aussi engendré en moi une peur réelle à ses débuts et les routines que nous avons créées m’ont aidée à me sentir bien plus en sécurité. Ma mère prenait constamment de mes nouvelles, s’impliquait dans ce que je faisais au travail et s’assurait que j’étais en sécurité.

Je me suis sentie soutenue et en sécurité à la maison. Nous avons passé des soirées à simplement relaxer, à placoter, ou alors nous prenions un verre de vin et dansions. Nous avons parlé d’organiser des soirées dansantes virtuelles et d’y convier tous nos amis, bien que nous n’y ayons jamais vraiment donné suite. Vivre de tels moments de légèreté et pouvoir s’amuser simplement a été important. Comme nous avons passé beaucoup de temps ensemble, elle a été la personne avec laquelle j’ai le plus échangé. Je me suis donc sentie plus à l’aise de lui parler de choses personnelles que je n’avais jamais partagées avec elle auparavant. Notre relation s’est donc approfondie.

Je me suis sentie réellement soutenue par elle sur le plan affectif, d’une façon que je n’avais connue auparavant qu’avec une amie. Je crois que la pandémie a créé un contexte favorable à ce qu’elle et moi développions une profonde amitié. Je n’ai pas été la seule à parler de ce que je ressentais au sujet de choses personnelles dans ma vie, elle s’est à son tour confiée, elle aussi. De tels moments partagés m’ont donné l’impression de lui rendre en partie l’attention qu’elle m’a accordée toute ma vie.

À votre avis, qu’est-ce qui rend les soins d’une mère si uniques?

C’est en quelque sorte une question de vulnérabilité, car lorsque l’on se confie à sa mère, on sait qu’elle ne nous jugera pas. On sait toutefois qu’elle nous le dira si on fait quelque chose de mal. J’ai l’impression que ma mère est la seule personne dans ma vie qui peut me dire les choses telles qu’elles sont, sans que je lui en veuille, ou encore, sans avoir l’impression que ses propos vont trop loin.

Cela est unique à notre relation mère-fille, car j’aurais tendance à repousser toute autre personne qui m’adresserait le même genre de critique. Mais venant de ma mère, c’est différent, car je sais qu’elle m’aime et me soutient inconditionnellement. C’est pourquoi je me sens capable de recevoir ces dures vérités de sa part et de grandir à travers de telles discussions, car je me dis : « Oh, tu as probablement raison. »

De quelle façon pensez-vous que la dernière année influencera l’évolution de votre relation?

Je pense que cette année a permis de consolider la relation profonde qui nous unit. Nous avons passé tellement de temps ensemble et avons appris à nous connaître sous un jour complètement différent de celui d’avant la pandémie. Ce n’était pas faute de vouloir apprendre à nous connaître de cette façon, mais parfois le temps manque, tout simplement. La routine quotidienne s’installe, et la priorité n’est pas d’entretenir ce lien profond avec sa mère, puisque l’on a tendance à considérer la chose comme acquise.

Je la vois vraiment comme ma meilleure amie, et je lui fais entièrement confiance. Je sais donc qu’elle continuera à faire partie intégrante de ma vie, pour le reste de mes jours. Même quand je ne vivrai plus avec elle, je sais que notre lien ne se rompra pas. Nous le garderons toujours, peu importe le temps qui s’écoulera entre nos échanges. Partager ces longs moments avec elle m’a permis de me sentir plus en sécurité pour aller de l’avant. Je sais que nous prendrons toujours le temps de nous voir et de demeurer en contact.

À l’approche de la fête des Mères, y a-t-il quelque chose que vous aimeriez lui dire?

Je suis vraiment chanceuse. Je sais que pour certaines personnes, leurs parents demeurent avant tout des parents et agissent comme tels, ce qui est en soi correct. Je me sens vraiment choyée d’avoir cette relation avec elle, chez qui je peux voir d’où je tire autant de mes propres traits et caractéristiques, et avec qui j’ai une telle connexion, qui se ressent aussi comme une profonde amitié.

Je lui ai écrit une carte il y a de cela quelques années, et il y avait une phrase en particulier dont je doute qu’elle se souvienne aujourd’hui. C’est pourtant la chose la plus vraie que j’aie jamais écrite dans ma vie. Je lui disais alors que si je parvenais un jour à être la moitié de la personne qu’elle peut être, alors je considérerais ma vie comme un succès, parce qu’elle est l’une des personnes les plus attentionnées, gentilles et affectueuses que j’aie jamais connues. J’ai tellement de chance de l’avoir dans ma vie. Ainsi, si j’arrive à témoigner, dans l’ensemble de mes relations, ne serait-ce que la moitié de la gentillesse, de l’affection et du soutien dont elle-même fait preuve, je pourrai dire que je suis une bonne personne.

Nous remercions Hannah et Ann de nous avoir raconté leur histoire.

Que vous célébriez la fête des Mères confinés ensemble ou séparés, que votre mère prenne soin de vous ou que vous vous occupiez d’elle, que vous passiez du temps avec elle ou que vous méditiez à son sujet si elle ne fait plus partie de votre vie, peut-être trouverez-vous un peu de réconfort dans les sages paroles de Robert Munsch : « l’amour d’une mère est éternel ».

Cet entretien a été révisé afin d’atteindre une longueur et une fluidité optimales.

Gaby Novoa, Carrefour du savoir sur les familles au Canada, Institut Vanier de la famille

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