Compte-rendu : « Co-Parenting from the Inside Out: Voices of Moms and Dads »

Sara MacNaull

Compte-rendu du livre de Karen L. Kristjanson1 intitulé Co-Parenting from the Inside Out: Voices of Moms and Dads (Toronto, ON: Dundurn Press, 2017)

Au cours de l’histoire canadienne, l’évolution des tendances en matière d’union (c.-à-d. la formation d’une relation, ex. : le mariage, les fréquentations), de désunion (c.-à-d. la dissolution d’une relation, ex. : la rupture, la séparation et le divorce) et de nouvelle union (c.-à-d. l’engagement dans une nouvelle relation, ex. : le remariage) a contribué à façonner et à remodeler le portrait des relations familiales partout au pays, ainsi que notre compréhension de la famille dans sa globalité.

La séparation et le divorce ont un impact sur presque tous les aspects de la vie familiale, et il va sans dire que le rôle parental en fait partie. À la suite d’une désunion, le rôle de parent peut devenir plus complexe en raison non seulement du nombre de transitions que vivent les familles, mais aussi de leur intensité, notamment les changements de nature sociale (ex. : les émotions, le temps passé avec la famille, les changements par rapport aux réseaux de soutien), légale (ex. : la division des biens et des actifs, les procédures devant le tribunal de la famille), financière (ex. : la réduction du revenu du ménage) et autres. Selon des recherches, la séparation parentale peut avoir un impact significatif sur le bien-être de l’enfant2, et le risque associé aux effets indésirables chez l’enfant augmente lorsqu’il y a des conflits entre les parents3.

Au fil des générations, plusieurs parents en situation de divorce et de séparation ont fait preuve d’une grande flexibilité et de beaucoup de créativité afin de préserver les liens familiaux tout en essayant de demeurer axés sur « l’intérêt supérieur de l’enfant » – une notion bien ancrée selon la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies, ce qui a eu une incidence sur le droit de la famille au Canada.

En mai 2018, le gouvernement du Canada a annoncé des modifications à la Loi sur le divorce qui visaient à créer un système de justice familiale plus efficient et efficace afin de protéger les familles – en particulier les enfants – contre les conséquences négatives pouvant découler de la séparation ou du divorce. Le projet de loi C-78 comprend des propositions servant à actualiser la terminologie afin d’en atténuer l’aspect conflictuel (ex. : en changeant les termes qui peuvent causer des conflits ou une certaine division, comme « accès » et « temps de parentage ») et à formuler des critères permettant de définir ce que l’on entend par « l’intérêt supérieur de l’enfant »4.

« Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. »
– Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies (Article 3, s. 1)

Bien que plusieurs familles conviennent qu’il demeure primordial d’accorder la priorité aux enfants, cela n’est pas toujours facile à appliquer lorsqu’une famille navigue dans sa « nouvelle normalité » après une séparation ou un divorce. Alors que certains peuvent s’installer confortablement dans de nouvelles routines au fur et à mesure que les tensions s’atténuent ou disparaissent du fait que le couple vit maintenant à part, les membres de la famille, particulièrement les enfants de tous âges, demeurent susceptibles de vivre une gamme d’émotions au cours des semaines, des mois, voire des années qui suivent.

Dans son livre intitulé Co-Parenting from the Inside Out: Voices of Moms and Dads, l’auteure Karen Kristjanson s’intéresse à la parentalité de nos jours après que les couples se sont séparés tout en veillant à soutenir le bien-être de leur(s) enfant(s). Par le biais d’entrevues réalisées auprès de parents du Canada et des États-Unis, Mme Kristjanson met en lumière certaines des réalités actuelles qui sont associées au rôle parental avec un ex-conjoint ou un ex-époux.

Bien que les détails du partage des responsabilités parentales puissent différer d’une famille à l’autre, selon Mme Kristjanson : « Le cœur de la coparentalité ou de la parentalité partagée tient à la relation qui existe entre les parents séparés ou divorcés et leurs enfants. C’est de parvenir à partager les routines quotidiennes ainsi que les vacances afin que les deux parents puissent s’impliquer significativement dans la vie de leurs enfants. La situation doit permettre à chaque parent de demeurer au fait de la croissance, des besoins et du potentiel de ses enfants. » [traduction]

L’auteure adopte une « approche narrative » en partageant les histoires de coparentalité de parents aux réalités familiales diverses, comme des parents de même sexe, des parents dont les enfants ont des besoins spéciaux, des parents vivant avec une maladie mentale ou une dépendance, des parents qui ont été victimes de violence, et plus encore. Chacun d’eux tente de trouver les meilleurs moyens de prendre soin de ses enfants sans permettre à ses propres sentiments (comme le regret ou la culpabilité) de prendre le pas sur sa capacité à jouer son rôle de coparent.

« Cela ne ressemblait pas à une négociation, nos désaccords n’avaient pas grand-chose à voir avec l’éducation des enfants. Nous nous sommes simplement engagés à les faire passer en premier. »
– Ayla, mère interviewée [traduction]

Bien que les détails du partage des responsabilités parentales puissent différer d’une famille à l’autre, selon Mme Kristjanson : « Le cœur de la coparentalité ou de la parentalité partagée tient à la relation qui existe entre les parents séparés ou divorcés et leurs enfants. C’est de parvenir à partager les routines quotidiennes ainsi que les vacances afin que les deux parents puissent s’impliquer significativement dans la vie de leurs enfants. La situation doit permettre à chaque parent de demeurer au fait de la croissance, des besoins et du potentiel de ses enfants. » [traduction]

Pour l’un des anciens couples interrogés, la priorité était accordée au fait de rester une famille, en dépit de la séparation. Cela nécessitait pour les deux parents d’être présents à tous les événements des enfants et de s’abstenir de s’engager dans de nouvelles relations intimes pendant plus de dix ans afin de « maintenir l’unité familiale pour leurs enfants ». Un autre ancien couple a choisi d’investir dans un espace de vie commun. Il s’agissait au départ d’un arrangement temporaire, mais quelques années après la séparation, l’ancien couple et un nouveau partenaire, ainsi que leurs enfants, ont emménagé ensemble dans une maison. Cette décision les a soulagés d’une certaine pression financière tout en leur permettant d’assumer leurs rôles de coparents au sein d’un foyer unifié pour leurs enfants.

Dans toutes les histoires partagées au long de cet ouvrage, on constate que les anciens couples interrogés ont été confrontés à de nombreux éléments inconnus une fois qu’ils ont pris la décision de mettre fin à la relation. Comme le relève l’auteure : « Je ne savais pas quelle forme allait prendre cette nouvelle étape, mais je savais que notre vie familiale telle qu’elle était ne pouvait plus continuer ainsi. » [traduction]. Ce sentiment a été partagé par de nombreux couples. Pour plusieurs des parents interrogés, « la prochaine étape » consistait en partie à demander de l’aide et du soutien. Selon Mme Kristjanson, le soutien est venu de la famille, des voisins, des livres de croissance personnelle et, éventuellement, d’un nouveau conjoint. Cela démontre non seulement la diversité des familles et de leur composition, mais aussi la force du cercle de soutien qui entoure souvent les familles.

« Cet été-là, j’ai beaucoup grandi en tant que père, je crois. Je n’avais jamais été seul avec eux. J’ai commencé à voir le rôle de parent différemment, puis les choses ont commencé à prendre de l’expansion pour moi. Mais cela a pris un certain temps, ce n’est pas arrivé du jour au lendemain. »
– Joe, père interviewé [traduction]

Ce qui ressort de l’ouvrage de Mme Kristjanson, ce sont les réflexions des parents. Leurs voix transparaissent dans les détails de leur parcours relationnel et redéfinissent leur rôle et leur réalité de coparent. Certaines des histoires relatées n’ont pas nécessairement la fin à laquelle on s’attendrait – car des tensions et des conflits persistent parfois – mais l’auteure met l’accent sur l’espoir. Elle souligne la capacité des parents d’être les meilleurs parents possible, même s’ils doivent exercer leurs responsabilités parentales séparément et différemment d’avant la séparation ou le divorce. Elle souligne également l’importance des aptitudes d’autogestion, de coopération et de croissance personnelle. En plus d’être inspirant, cet ouvrage sert également de guide pour les parents qui souhaitent devenir les meilleurs coparents possible, tout en ayant à cœur l’intérêt supérieur de leurs enfants.

Faits et chiffres sur la parentalité après la séparation ou le divorce

Selon l’Enquête sociale générale (ESG) de 20115 :

  • 24 % des parents séparés ou divorcés au Canada avaient des enfants de moins de 18 ans.
  • 83 % des mères et des pères séparés ou divorcés6 dont l’enfant passait autant de temps chez l’un que chez l’autre ont affirmé que les décisions importantes à propos de leurs enfants étaient prises ensemble ou en alternance, comparativement à 35 % chez l’ensemble des parents séparés ou divorcés.
  • 70 % des mères et 1 % des pères qui étaient séparés ou divorcés ont affirmé que leur propre ménage était la résidence principale de leurs enfants (le temps de garde était divisé également chez 9 % des répondants)7.
  • 74 % des parents séparés ou divorcés au Canada se sont dits satisfaits du temps qu’ils avaient passé avec leurs enfants au cours de l’année précédente.

 

Sara MacNaull est directrice des programmes à l’Institut Vanier de la famille.

 

Notes


  1. Karen Kristjanson est auteure et coach professionnelle certifiée de la International Coach Federation. Karen est titulaire d’une maîtrise en psychologie sociale de la London School of Economics and Political Science et d’une maîtrise en gestion et consultation du Leadership Institute of Seattle (Bastyr University).
  2. George J. Cohen et Carol C. Weitzman, « Helping Children and Families Deal with Divorce and Separation » dans Committee on Psychosocial Aspects of Child and Family Health, Section on Developmental and Behavioral Pediatrics (décembre 2016). Lien : https://bit.ly/2Ed0RsY
  3. Joan B. Kelly et Janet R. Johnston, « The Alienated Child: A Reformulation of Parental Alienation Syndrome » dans Family Court Review, vol. 39, no 3 (juillet 2001). Lien : http://bit.ly/1GYfGLl
  4. Institut Vanier de la famille, Changements relatifs à la Loi sur le divorce : consolider le système canadien de justice familiale (25 mai 2018).
  5. De nouvelles données sur les familles provenant de l’ESG seront disponibles au printemps 2019.
  6. Le pourcentage rapporté est le même pour les mères et les pères.
  7. Les six autres pour cent de parents ont indiqué que la résidence principale des enfants était « un autre endroit » ou qu’ils vivaient dans « plus d’une résidence ».

 

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